Triangle of Sadness

 


Après la Fashion Week, Carl et Yaya, couple de mannequins et influenceurs, sont invités sur un yacht pour une croisière de luxe. Tandis que l’équipage est aux petits soins avec les vacanciers, le capitaine refuse de sortir de sa cabine alors que le fameux dîner de gala approche. Les événements prennent une tournure inattendue et les rapports de force s'inversent lorsqu'une tempête se lève et met en danger le confort des passagers.



Palme d’Or : et de deux pour Ruben Östlund

Il y a cinq mois, le samedi 28 mai, le réalisateur suédois Ruben Östlund, à qui on doit l’excellent « Snow Therapy », laissait éclater sa joie à l’annonce de la Palme d’Or glané par son nouveau film, « Triangle of Sadness » (Sans filtre, en version française). C’est la deuxième fois que le cinéaste monte sur la scène du Festival de Cannes pour recevoir cette prestigieuse récompense après le réjouissant, atypique et dérangeant « The Square », critique caustique du monde de l’art contemporain. Le quadragénaire entre ainsi dans le cénacle très sélect des metteurs en scène doublement palmés dont font partie notre paire liégeoise Luc et Jean-Pierre Dardenne, l’Autrichien Michael Haneke, l’Irlandais Ken Loach, l’Américain Francis Ford Coppola, le Serbe Emir Kutsurica, le Danois Bille August ou encore le Japonais Shohei Imamura. Alors, trophée mérité ? Oui, cent fois oui !

La croisière (ne) s’amuse (plus)

Dans son nouveau long-métrage, Östlund observe avec un délicieux regard acerbe des ultra-riches se complaisant dans l’oisiveté à bord d’un navire de croisière de luxe. Parmi eux, on croise entre autres un jeune couple de mannequins et influenceurs, un ex-oligarque russe fantasque ayant fait florès dans la vente de… matière fécale ou encore une paire de retraités fortunés grâce à la vente d’armes. Tandis que l’équipage s’affaire aux besoins des vacanciers, le capitaine aviné aux idées marxistes refuse de sortir de sa cabine, alors que le fameux dîner de gala approche. A partir de là, les interactions entre les différents protagonistes deviennent aussi houleuses que la mer. Les événements prennent une tournure inattendue et les rapports de force s’inversent dans une croisière qui ne s’amuse plus du tout.

Satire à balles réelles

Passé maître dans l’art de provoquer le rire et le malaise via une succession de séquences de bravoure jouant à fond la carte du grotesque, à la lisière du grand-guignolesque, le Scandinave déroule avec panache une satire sarcastique et subversive qui dénonce la société du paraître et l’ultra-richesse au travers d’une lutte des classes jubilatoire et férocement décapante. Ecriture au vitriol, mise en scène au cordeau, montage au taquet, interprétations au diapason, cette tragi-comédie corrosive, impitoyable et impertinente se fout du politiquement correct et vous fait passer un grand moment de cinéma anar et iconoclaste. Malheureusement, la farce convainc moins dans un troisième acte convenu et attendu. On voit très vite où Ruben Östlund veut nous emmener, étirant sans raison cette dernière partie faiblarde, simpliste et dénuée d’enjeux. Une peccadille au regard de l’ensemble, soit une œuvre rock n’roll qui fait du bien et dénote dans un cinéma européen beaucoup trop sage.

Note : 

Critique : Professeur Grant

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