Three Thousand Years of Longing
Lorsqu'une érudite britannique (Tilda Swinton) invoque un djinn à Istanbul à l'aide d'une antique fiole magique, elle obtient trois vœux en échange de sa liberté. Des années d'apathie et d'isolement l'amènent à douter de ses souhaits, jusqu'à ce que le djinn, au travers de ses histoires, réveille en elle un profond désir...
Déclaration passionnée envers le septième art et la tradition du conte oral, « Three Thousand Years of Longing » ne ressemble à AUCUN autre film. Signé George Miller, « Three Thousand Years... » est un film indépendant au budget (relativement) modeste. Cette adaptation de la nouvelle de A. S. Byatt du nom de « Le Djinn dans l’œil-de-rossignol » s’étale sur des siècles et retrace les amours perdus de plusieurs personnages bibliques.
Il y est question du pouvoir caché de l’amour et de ses peines inévitables. Discutant du bien-fondé d’une vie sans désir, ce cousin lointain des Mille et Une Nuits s’avère être un régal visuel. La musique de Tom Holkenborg (Junkie XL) sublime l’ensemble.
Sans pour autant redéfinir la grammaire cinématographique, George Miller soigne son long-métrage en apportant un soin tout particulier à la lumière et à la gestion des dimensions. On se sent très vite déboussolés dans les décors démesurés. Il faut dire que le cinéaste n’en est pas à son coup d’essai quand on sait que sa carrière a traversé les décennies et les genres (« Mad Max » ou encore « The Witches of Eastwick » pour n’en citer que deux).
Bien filmé, « Three Thousand Years... » offre aussi de judicieux enchaînements de plans. L’inventivité plastique et esthétique témoigne d’une imagination hors-norme. Miller sait que l’on se rend au cinéma pour être dépaysé. Des légendes entourant le flirt entre le roi Salomon d’Israël et la reine de Saba, aux complots impliquant le sultan Soliman le Magnifique et son fils le prince Mustafa, en passant par l’histoire de la jeune Zefir, cette femme avide de connaissances enfermée dans le carcan du mariage forcé ; le dépaysement est total !
Audacieux, sublime et inventif, « Trois mille ans à t'attendre » (en VF) se veut fâcheusement moins envoûtant dans son histoire contemporaine que dans ses récits bibliques qui sous nos yeux ébahis semblent prendre vie pour la première fois sur grand écran. La faute, peut-être, à une alchimie entre le Djinn (Idris Elba) et la narratologue Alithea (Tilda Swinton) qui ne tient qu’à un fil. Il n’empêche, George Miller signe à nouveau une vraie proposition de cinéma qui, à l'inverse de son génie joué par Elba, ne risque pas de tomber dans l'oubli.
Note : ★★★★
Critique : Goupil
Autre
critique, autre point de vue – Three Thousand Years of Longing vu par le
Professeur Grant :
Quatre
mois à l’attendre
Quatre mois à l’attendre.
Soit, plus d’une centaine de jours de patience entre sa réception dithyrambique
sur la Croisette du Festival de Cannes où il a été présenté en avant-première
mondiale au mois de mai et sa découverte en septembre dernier. « Three
Thousand Years of Longing » était même désiré depuis plusieurs années par
la communauté d’aficionados de George Miller. Car son dernier fait en date
remonte au printemps 2015. Et quel fait ! Le brillant « Mad
Max : Fury Road », s’il vous plaît. A cette occasion, l’Australien
avait tout simplement réinventé la grammaire cinématographique du blockbuster
contemporain et, ce faisant, ringardisé toutes les superproductions hollywoodiennes.
Et ce, sans avoir l’air d’y toucher. Une véritable claque ; les rougeurs
cutanées commencent seulement à s’estomper sur le visage encore marqué du
cinéphile, alors que le prequel sur
la jeunesse du personnage de Furiosa est en plein tournage. Du coup, faut-il
s’attendre à une nouvelle révolution avec cette variation moderne autour du
recueil de contes « Les Mille et Une Nuits » mettant en scène un djinn (Idris
Elba, impeccable, tout comme sa partenaire de jeu et compatriote Tilda Swinton
dans le costume d’une narratologue émérite) capable d’exaucer trois vœux ?
L’ombre
de Tarsem Singh
Point de révolution, mais
une insigne et signifiante exploration des obsessions du cinéaste à travers une
œuvre méta-réflexive sur la narratologie. Lui-même formidable conteur
d’histoires, Miller se questionne sur son rôle de metteur en scène et trouve le
juste milieu entre les vertus divertissantes de son scénario et l’étude des structures
narratives. Le réalisateur en profite pour pousser l’une ou l’autre réflexion
philosophique (accomplissement de soi, quête du bonheur, amour impossible…) au
travers de plusieurs récits mythologiques qui forment in fine une fresque féerique
et universelle, aussi déstabilisante que fascinante. Le résultat s’affiche
comme une fable existentielle et romantique singulière à l’imaginaire
flamboyant et à l’esthétique léchée qui ne laisse aucun doute sur l’inspiration
principale du septuagénaire, à savoir le chef-d’œuvre injustement méconnu
« The Fall » signé Tarsem Singh. Malheureusement, la mécanique bien
huilée des deux premiers tiers ne tient pas la longueur. Le film se perd dans
une prolixité quelque peu éreintante et s’essouffle dans une dernière partie à
la fois mièvre et convenue. En évitant de justesse l’écueil de l’ennui grâce à
un montage fluide et dynamique ainsi qu’à une réalisation inspirée et
ébouriffante faite de mille et une trouvailles visuelles, George Miller
parvient malgré tout à nous laisser une impression agréable et envoûtante de
cette escapade légendaire, exotique et rafraîchissante.
Note : ★★★
Critique : Professeur Grant
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