Bilan 2020 - le "Top 5" du Professeur Grant
Au gui l’an neuf !
D’après les convenances
socialement admises par le plus grand nombre, on peut se souhaiter une
excellente année jusqu’au 31 janvier. Il est cependant conseillé de ne pas
attendre la fin du mois pour le faire. Oups ! Mais cela n’enlève en rien
notre sincérité. Du coup : bonne année, bonne santé, et tout le
tralala qui va avec. Mais pour ce qui nous et vous concerne, à savoir le
septième art, on se souhaite surtout une palanquée de sorties dans les salles
obscures.
C
Comme Cinéma
Oui, du Cinéma avec un
grand C. Car même si, à la rédaction, on défend tous les modes de diffusions et
de distributions, en ce compris le streaming (légal, évidemment), notre dada, c’est le grand écran,
la toile blanche, le son qui nous prend aux tripes, la porte d’entrée vers
l’imaginaire, le doux parfum de pop-corn (ou pas…), les affiches des films à
venir à l’entrée du cinéma, les bandes-annonces qui vendent les pellicules des prochains blockbusters… Bref, tout le décorum d’un cinéma de
quartier ou d’un mégacomplexe.
Annus
Horribilis
Adieu annus horribilis, bonjour
2021 et toutes ses promesses… D’un naturel optimiste, on préfère voir le verre à
moitié rempli. Il ne nous reste plus que ça, l’espoir d’un avenir
cinématographique meilleur. Mais avant cela, et comme chaque année, sacrifions
à la tradition. Place à la rétrospective ciné du Professeur Grant. Comme le dit
l’adage, choisir, c’est renoncer. Voici les longs-métrages qu’il ne fallait pas
louper l’année dernière. Showtime !
1. Dark
Waters
Tour à tour édifiant,
effarant, interpellant et même révoltant, le nouveau métrage de Todd Haynes est
un séisme dont l’onde de choc n’a pas fini de nous ébranler. Et, étonnamment,
là où la pellicule du cinéaste californien est volontiers élégante voire maniérée
(l’épure classique des très beaux mélodrames que sont « Carol » avec Cate
Blanchett ou la mini-série HBO « Mildred Pierce » avec Kate Winslet), sa mise
en scène se met volontairement en retrait pour ne pas diluer la puissance du
sujet. Si l’Américain met son investissement artistique en retenue, c’est parce
qu’il tient entre ses mains un scénario implacable digne d’une investigation,
aussi juste dans ses intentions que précis dans sa gestion des révélations. Et
ce dernier ne veut pas trahir cette histoire vraie. Par ailleurs, ce récit
classique de David contre Goliath ne cache pas son ambition d’être une diatribe
du système libéral capitaliste. Il montre le cynisme insoutenable de
multinationales prêtes à la pire des ignominies pour augmenter son rendement,
au point de n’avoir cure de la santé des citoyens.
2. Uncut Gems
En toute honnêteté, on a
longtemps hésité. « Uncut Gems » a autant sa place sur la première marche
du podium que « Dark Waters ». Mais comme susmentionné, choisir,
c’est renoncer. Il a donc fallu opérer un choix, la mort dans l’âme. Qu’à cela
ne tienne, cette deuxième place à la teinte dorée n’enlève en rien les qualités
intrinsèques de cette grosse claque prise en début d’année dernière. Pas
étonnant que Netflix ait senti le bon coup en achetant le film à la société de
production indépendante A 24, souvent synonyme de qualité. Derrière ce projet
sorti de nulle part, un quatuor vingt-quatre carats ! Du pur premium,
lisez plutôt : les frangins Safdie à la réalisation, Martin Scorsese
à la production et Darius Khondji à la photographie. Au menu ? Du
toxique, du malaisant, du radical. Dramédie pessimiste et anxiogène, thriller
tragique sous tension, comédie noire survitaminée et haletante, ce film
magistral et couillu ne serait rien sans la prestation méritoire d’Adam
Sandler. Hénaurme, ce dernier excelle en loser magnifique et trouve ni plus ni
moins son meilleur rôle au cinéma depuis « The Meyerowitz Stories (New and
Selected) » de Noah Baumbach. Autrement dit, une perf ! Et puis
zut, tant pis pour le classement, « Uncut Gems » est LE film de
l’année ! Compris ?
3. Soul
Après la déconvenue
« Onward », coming of age movie
sympathique, mais pas assez bien ficelé que pour prétendre au label qualité
Pixar, le studio à la lampe bondissante est revenu en fin d’année en squattant
la fraîchement débarquée plateforme Disney + avec la nouvelle fantaisie signée
Docter Pete, le fameux médecin d’Emeryville qui sonde les tréfonds de notre âme :
nos peurs dans « Monsters Inc. », nos émotions dans « Inside Out »,
etc. Et d’âme, il en est justement question dans « Soul ».
Traduction : âme. Voilà, ça, c’est pour la transition. Comme à
l’accoutumée, celui qui assure désormais la direction artistique pixarienne depuis le départ de l’historique John Lasseter livre ni plus ni moins qu’un
quasi-chef-d’œuvre d’animation. Fond et forme, réflexion et divertissement,
drame et humour, intime et spectaculaire, le quinquagénaire, d’une générosité
débordante comme en témoigne son sourire large jusqu’aux oreilles affiché lors
de chaque interview avec la presse, ne fait aucune concession. Drôle, poignant,
euphorisant, « Soul » est un voyage initiatique empli de poésie qui
fait vibrer la corde sensible. Du grand art en plus d’être une démonstration de
force tant sur le plan narratif que visuel.
4. Adieu
Les Cons
Écrivons-le d’emblée,
cela faisait longtemps qu’une œuvre hexagonale empruntant le sentier périlleux
de la comédie n’avait plus fait glousser une salle obscure à l’unisson.
Résultat à l’audiomètre : des rires nombreux, francs, spontanés, parfois même
incoercibles. Dans un cinéma bleu-blanc-rouge claquemuré dans ses innombrables
farces franchouillardes formatées et convenues, l’artisan Dupontel donne un
coup de pied dans la fourmilière, casse les codes et apporte un vent de
fraîcheur avec ses pellicules iconoclastes des plus jouissives. Biberonné aux
maîtres Jacques Tati, Charlie Chaplin, Tex Avery mais aussi à Jean-Pierre
Jeunet et surtout au Monty Python Terry Gilliam, lequel fait d’ailleurs un
caméo, le quinquagénaire mélange les genres, tord le réel pour mieux commenter
l’aliénation du monde kafkaïen qui nous entoure. C’est intelligent, surprenant,
haletant, décapant, tendre, désespéré et, surtout, ça tape juste. En plein cœur !
5. The Trial Of The Chicago 7
Steven Spielberg, Heath Ledger, Philip Seymour Hoffman…
Il
y avait du beau monde attaché à l’adaptation cinématographique de l’affaire et
du procès des « Chicago Seven » à la fin des sixties. Dix ans après
avec, entre-temps, deux décès et un réalisateur passé à autre chose (Lincoln),
le projet atterrit finalement sur le bureau d’Aaron Sorkin. Un choix judicieux
quand on connaît la filmographie de l’auteur. C’est qu’il n’a pas son pareil
pour rendre les débats captivants, et ce au moyen de dialogues percutants (The Social
Network, la série The Newsroom). Qui d’autre que lui pour mener à bien un film
de procès, exercice de style à part entière dans le genre du thriller ? Outre
la plume, particulièrement aiguisée lorsqu’il s’agit de mettre en lumière ce
simulacre d'action judiciaire, le scénariste star d’Hollywood reprend la caméra après son
premier essai en 2018 (Molly’s Game). Et écrivons-le tout de go, là aussi,
c’est une réussite. Le quinquagénaire a pris du galon et soigne la mise en
scène tout autant que le montage. Brillamment exécuté, son film est en sus porté
par une distribution cinq étoiles d’où se dégage un charismatique Sacha Baron
Cohen. Implacable.
Et
les autres…
Sans oublier le retour aux affaires de Guy Ritchie dans le décapant « The Gentlemen », les très belles surprises netflixiennes « Tigertail » et « El Hoyo », le feel-good « Jojo Rabbit » signé par l’oscarisé Taika Waititi, la claque visuelle « Queen & Slim » malheureusement passée inaperçue, l’incroyable bouffée d’oxygène « Tout Simplement Noir », le comeback flamboyant de l’homme invisible dans… « The Invisible Man » produit par la maison Blumhouse.
Et enfin, deux films vus et critiqués en 2020 - mais
repoussés à 2021 - et qui méritent une place de choix dans notre
sélection : le mélo « Falling », premier essai réussi de Viggo "Aragorn" Mortensen derrière la caméra, et la pochade « Mandibules », lettre
d’amour de Quentin Dupieux à tous les débiles cousins de « Dumb &
Dumber ». Vivement 2021 !
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