The Secrets We Keep
★★
A la sortie de la Seconde Guerre mondiale, une femme, Maja, tente de se reconstruire avec son mari Dobie. Ils emménagent à New York où ils font la rencontre d'un homme qui leur semble étrangement familier. Est-ce que ce dernier pourrait être l'un des bourreaux du camp de concentration d'Auschwitz-Birkenau ?
I. Chauffés
à blanc
Si l’objectif d’une
bande-annonce est bien d’attiser l’effervescence des cinéphages en manque de
pelloches à se mettre sous la dent, celle de « The Secrets We Keep »
nous a plutôt chauffés à blanc. Prévu pour débarquer dans les salles obscures
le 18 novembre dernier, ce thriller psychologique a finalement dû être repoussé
à une date ultérieure. Tel est le sort de nombre de fictions depuis l’annonce
du deuxième confinement. Du coup, il faudra encore s’armer de patience pour
découvrir le troisième long-métrage de l’Israélien Yuval Adler.
II. Crimes
de guerre
Pour son premier passage
en terre hollywoodienne, le réalisateur de « Bethléem » et « The
Operative » plante le décor au sortir de la Seconde Guerre mondiale, dans
une petite bourgade tranquille des Etats-Unis. Un jour, à la faveur d’une
balade anodine avec son fils dans le parc, Maja, une jeune Rom rescapée
des camps de concentration, pense avoir reconnu son tortionnaire. Mais celui
qui se fait appeler Thomas est-il le bourreau nazi des crimes odieux dont elle
a été victime durant le conflit planétaire ?
III. Œil
pour œil, dent pour dent
Cette question l’obsède,
la tenaille, la tourmente de manière viscérale jusqu’à provoquer l’inéluctable.
Traque, enlèvement, séquestration, torture, menaces de mort, la jeune femme ne
recule devant rien pour obtenir des aveux. La voilà piégée dans une spirale
infernale, prise dans l’engrenage de la vengeance et dans l’étau de la violence.
De quoi faire sérieusement douter son mari rendu complice malgré lui des
agissements immoraux de sa conjointe. Car si le plaidoyer de Maja paraît
convaincant, la défense de Thomas s’avère tout aussi probante.
IV. La
jeune fille et la mort
L’histoire vous semble
familière ? C’est que votre système mnésique fonctionne à merveille. Car
oui, l’intrigue rappelle furieusement l’adaptation de la pièce d’Ariel Dorfman « Death
and the Maiden » (La Jeune fille et la Mort) signée Roman Polanski, à
l’aube des nineties, qui voyait
Sigourney Weaver faire face à Sir Ben Kingsley. Autrement dit, pour
l’originalité, on repassera. D’autant plus que le scénario, bien que faisant
son office en termes de divertissement, s’affiche comme la pierre d’achoppement
de cette production proche de la série B.
V. Captivant
à défaut d’être saillant
En dépit d’un récit troué,
rapiécé grossièrement par Adler et son coscénariste Ryan Covington (les
flash-back superfétatoires), « The Secrets We Keep » parvient à
captiver sans forcer le trait et sans avoir recours à des effets de manche
inutiles. Car le cinéaste travaille soigneusement le rythme et l’agencement des
rebondissements tout en distillant une tension palpable. Dommage que ce dernier
ménage ses efforts dans la mise en scène, se reposant sur une direction
artistique irréprochable (la reconstitution des fifties tirée au cordeau).
VI. Made
in Sweden
S’il n’y a rien à épingler
du côté de la réalisation, plate et peu inspirée, nous sommes par contre
scotchés par le face-à-face 100 % made in
Sweden entre la toujours convaincante Naomi Rapace (Lisbeth Salander dans
la saga originale Millenium) et Joel Kinnaman (Rick Flag dans les Suicide Squad).
Ces performances remarquables donnent de l’épaisseur à des personnages trop peu
écrits. Ainsi, le tandem forme un bel ambassadeur cinématographique du Pays allongé,
patrie d’Abba et de Zlatan.
VII. Sentiments contradictoires
In fine, on regrette que
Yuval Adler ne se soit pas approprié le sujet. Alors qu’il possède un matériau
idéal pour éveiller des sentiments contradictoires et engager le débat, ce
dernier ne confronte jamais la morale et l’éthique aux thèmes exposés : la loi
du Talion, l’ambiguïté de la mémoire, la miséricorde et l’impardonnable. Celui-ci
s’en tient à des considérations légères voire superficielles. Toutefois, on
notera un dénouement âpre en guise de faux happy end. Une audace qui tranche
quelque peu avec un ensemble somme toute anonyme, convenu et peu mémorable.
Professeur Grant
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