L'Origine du Monde
L'histoire suit Jean-Louis, un avocat quadra menant grand train qui se rend compte que son cœur ne bat plus. Face à cette situation extraordinaire, n'ayant pas l'appui de la science, il suit le conseil de sa femme: voir une thérapeute tendance gourou. Cette dernière lui conseille alors un remède pour le moins original voire délicat...
I. A
l’origine
Quand on parle de « L’Origine
du Monde », on pense directement au tableau controversé de nu féminin
signé Gustave Courbet. Une œuvre symbolique et un titre évocateur souvent
réutilisés dans le monde culturel. D’ailleurs, en 2013, l’auteur de théâtre
Sébastien Thiéry reprend cet intitulé pour sa pièce dans laquelle il règle ses
comptes avec sa mère. Aujourd’hui, Laurent Lafitte adapte ce vaudeville pour le
grand écran à l’occasion de son premier passage derrière la caméra. Un film qui
a reçu le label « Sélection Officielle Cannes 2020 » visant à mettre
en lumière des métrages qui auraient dû être présentés sur la Croisette, si l’édition
de cette année n’avait pas été annulée à cause d’une certaine pandémie.
II. Tabou
ultime
Ecrivons-le sans ambages,
le pitch est imparable. Jean-Louis (Lafitte himself)
réalise en rentrant chez lui que son cœur s’est arrêté. Plus un seul battement,
aucun pouls, rien ! Pourtant, il est conscient, il parle, se déplace. Encore
vivant ? Déjà mort ? Ni son ami vétérinaire Michel (Vincent Macaigne, parfait),
ni sa femme Valérie (Karin Viard, désopilante) ne parviennent à expliquer cet invraisemblable
phénomène. Valérie se tourne alors vers Margaux (Nicole Garcia, géniale), coach
de vie holistique un peu gourou, pas tout à fait marabout, mais très connectée
aux forces occultes. Et elle a une solution qui va mettre Jean-Louis face au
tabou ultime : prendre une photo de la vulve de sa mère (Hélène Vincent,
merveilleuse).
III. Ubuesque
Lorsqu’il s’agit d’une adaptation
cinématographique d’une œuvre venue des planches, bon nombre de metteurs en
scène tombent facilement dans l’écueil du théâtre filmé. Pour son premier métrage
en tant que réalisateur, le pensionnaire de la Comédie-Française ne craint pas
la gageure et a eu la riche idée de s’accorder quelques extérieurs (l’escapade
forestière, tordant !) et décors différents (le cabinet de la thérapeute),
ainsi que l’une ou l’autre échappée (les rêves) donnant de la sève à
l’ensemble. Soucieux du rythme, élément primordial de la comédie, ce dernier
enfile à bride abattue les situations ubuesques, tendance gérontophile et
œdipienne, et les dialogues absurdes dans un concentré d’humour grinçant.
IV. Corps
et âme
Si l’ensemble manque
parfois de finesse et qu’on y use et abuse de simagrées ridicules, la sauce
prend et la farce vaudevillesque fonctionne. On rit à gorge déployée et on
s’amuse des répliques ciselées débitées par un quintet de comédiens truculents
qui se démènent pour donner du corps à leurs personnages. D’ailleurs, les
acteurs se livrent dans le plus simple appareil lors d’une séquence pas piquée
des hannetons. En sus, la promesse du titre est tenue. Gageons qu’aucun
spectateur ne quittera la salle obscure avant la fin du générique ! A
l’heure des pantalonnades lisses qui étouffent la comédie française, et les cinémas
par la même occasion, on ne peut que saluer la démarche d’offrir aux cinéphiles
une comédie qui sort des sentiers battus, allant jusqu’à susciter le malaise.
Note : ★★★
Critique : Professeur Grant
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