La Belle Epoque
Victor, un sexagénaire désabusé, voit sa vie bouleversée le jour où Antoine, un brillant entrepreneur, lui propose une attraction d’un genre nouveau : mélangeant artifices théâtraux et reconstitution historique, cette entreprise propose à ses clients de replonger dans l’époque de leur choix. Victor choisit alors de revivre la semaine la plus marquante de sa vie : celle où, 40 ans plus tôt, il rencontra le grand amour...
I. Révélation
En mars 2017, Nicolas
Bedos signait son premier long-métrage en tant que réalisateur :
« Monsieur et Madame Adelman ». En toute honnêteté, on l’a visionné à
reculons, persuadé de voir une énième comédie dramatique gnangnan et sans
intérêt. Quelle ne fut pas notre surprise ! Certes, le film n’est pas
parfait. Il contient les défauts d’une première œuvre : longueurs,
complaisances, exagérations… Cependant, la pellicule laissait déjà entrevoir
une réelle maîtrise de l’art de la mise en scène ainsi qu’un sacré talent pour
l’écriture scénaristique. Pour nous, c’était une certitude : on n’allait
pas manquer son deuxième rendez-vous avec la caméra.
II. Ovation
Alors, coup de chance du
débutant ou naissance d’un véritable cinéaste ? Ne tergiversons pas, c’est
clairement la deuxième option. A l’aune de l’ovation reçue au dernier Festival
de Cannes où il était présenté hors compétition, « La Belle Epoque »,
est bien parti pour connaître la même carrière que « Le Grand Bain »
du copain Gilles Lellouche. Un triomphe populaire qui serait entièrement mérité
pour le fils Bedos, lequel confirme ici son statut d’auteur de cinéma. On en
veut pour preuve l’idée centrale géniale et tellement cinématographique de son
récit, par ailleurs écrit au cordeau : une société propose à ses clients
de s’immerger dans l’époque de leur choix à la manière d’un jeu de rôles.
III. Attraction
Comme dans son précédent
métrage, le protagoniste se prénomme Victor (Daniel Auteuil). Ce sexagénaire
désabusé et mélancolique voit sa vie bouleversée le jour où Antoine (Guillaume
Canet), un brillant entrepreneur, lui propose une attraction d’un genre nouveau
: au moyen des artifices théâtraux (comédiens, décors, costumes, maquillage,
mise en scène…), cette entreprise plonge ses clients dans une reconstitution
minutieuse d’un environnement préalablement choisi. Si d’aucuns se prennent
pour des nazis dans un conseil de guerre, d’autres rêvent d’une cuite au bar avec
Hemingway. Victor, lui, choisit de revivre la semaine la plus marquante de sa
vie: celle où, quarante ans plus tôt, il rencontra le grand amour (Fanny
Ardant).
IV. Bénédiction
Les thuriféraires comme
les détracteurs du trublion français s’accorderont sur un fait : Nicolas
Bedos dispose d’un don indéniable pour l’écriture. De sa plume férocement
sentimentale se dégage une verve poétique qui alimente un métrage tour à tour
drôle et émouvant. Il s’en dégage un souffle romanesque qui nous envoûte dès
les premières minutes et ne nous lâche plus. C’est que le réalisateur ne laisse
rien au hasard : il soigne le rythme, fluidifie le récit, cisèle ses
dialogues à la serpe. Saillies piquantes, punchlines
percutantes, mais aussi envolées lyriques et questionnements existentiels, son
scénario est une vraie bénédiction pour tous ceux qui rêvent de divertissements
intelligents.
V. Distribution
Muni de ses qualités
indiscutables de conteur, Nicolas Bedos parle avec tendresse de nostalgie, de mélancolie,
du temps qui passe, des regrets, de l’espoir sans toutefois se complaire dans
le « c’était mieux avant ». Il évoque l’hier pour mieux préparer le
demain. Toujours avec cette faculté toute singulière et personnelle de mêler l’émotion
à fleur de peau et l’humour cynique pimenté d’amertume. Et pour que la
partition soit parfaite, il fallait bien le concours de Stradivarius devant la
caméra. A ce titre, la distribution joue
sans fausse note. Outre la sincérité du jeu de Doria Tillier, équilibriste sur
le fil du rasoir, entre force et fragilité, on retiendra également le couple Daniel
Auteuil/Fanny Ardant, tous deux bouleversants.
VI. Nomination
Si le jeune cinéaste ne
parvient pas à tenir la longueur avec son concept étonnant et qu’un sérieux
coup de mou s’installe au milieu du film, cela n’égratigne en rien le charme de
cette production audacieuse qu’on aimerait tant voir récompensée de l’une ou
l’autre nomination aux Césars. Car, à l’addition, « La Belle Epoque »
a quelques atouts à faire valoir : une merveille d’écriture, de belles
idées de réalisation, une direction artistique irréprochable, un casting
étincelant (Guillaume Canet, Pierre Arditi, Denis Podalydès, Jeanne Arènes et
les autres accordent leurs violons). Bref, Nicolas Bedos propose un geste
cinématographique grisant qui mérite amplement d’être salué par ses pairs.
Note : ★★★
Critique : Professeur Grant
J'avais déjà beaucoup aimé "Mr et Mme Adelman" et vos commentaires me donnent vraiment envie d'aller voir celui-ci aussi.
RépondreSupprimerMerci.