Parasite
Toute la famille de Ki-taek est au chômage, et s’intéresse fortement au train de vie de la richissime famille Park. Un jour, leur fils réussit à se faire recommander pour donner des cours particuliers d’anglais chez les Park. C’est le début d’un engrenage incontrôlable, dont personne ne sortira véritablement indemne...
I. Une
Palme : Parasite
Au Festival de Cannes,
c’est toujours la même rengaine. Un véritable casse-tête. Impossible de faire
consensus. Les jurés, les critiques de la presse internationale, les cinéphiles,
les amateurs, tout le monde y va de son avis quand il s’agit de la récompense
suprême. Et les opinions s’avèrent bien différentes les unes des autres. Mais,
cette année, le jury présidé par le Mexicain Alejandro González Iñárritu
(Babel, Birdman, The Revenant) est parvenu à mettre tout le monde d’accord.
Peut-être parce qu’une œuvre est sortie du lot sans qu’un autre long-métrage
n’ait les reins assez solides pour le concurrencer. Après une attente estivale
des plus insoutenables, les spectateurs du royaume peuvent enfin découvrir la
Palme d’Or tant attendue : Parasite. Et on va tuer fissa tout suspense, c’est
un chef-d’œuvre absolu.
II. Un
cinéma : la Corée du Sud
En couronnant cette
satire politique et sociale, Iñárritu et compagnie ont également mis en lumière
un cinéma d’une folle richesse qui peine encore à se faire connaître du grand
public. La faute à des chaînes de télévision et des distributeurs beaucoup trop
frileux. C’est dommage car le septième art sud-coréen régale les cinéphiles
depuis quinze ans avec des réalisateurs et des films de genre merveilleux. Des fictions
qu’on est obligé de découvrir à la Médiathèque, l’un des seuls opérateurs
culturels en Belgique francophone à ouvrir ses portes sur le cinéma
international. Vous désirez
une petite liste pour parfaire votre cinéphilie ? Voici, c’est
gratuit : Park Chan-wook (Old Boy, Mademoiselle, Sympathy
for Mr. Vengeance), Na Hong-jin (The Chaser, The Murderer, The Strangers), Kim Jee-woon (I Saw The Devil, The Good, The Bad, The
Weird, A Bittersweet Life). Trois réalisateurs, neuf films, 100% kiff. Merci
qui ?
III. Un réalisateur : Bong
Joon-ho
Sans oublier celui qui
nous intéresse aujourd’hui : Bong Joon-ho. Découvert en
2004 avec la sortie dvd de la claque « Memories of Murder », on se
disait déjà à l’époque qu’il était un cinéaste en devenir. Changement radical
de registre avec le culte « The Host » vu - et c’était une première dans
nos contrées ou presque - dans un complexe cinématographique. On se souvient
encore de la rayonnante salle UGC Eldorado qui le projetait en avant-première. Un
must ! Par la suite, le metteur en scène ne nous a pas déçus avec son
escapade hollywoodienne « Snowpiercer », film sous-estimé qui n’est
pas parvenu à rencontrer son public, la faute à une campagne marketing
foireuse. Et si sa maestria s’était quelque peu diluée dans le mélange des
genres avec son « Okja » shooté pour Netflix, c’était pour mieux nous
revenir avec ce « Parasite » sorti de nulle part.
IV. Un
genre : la satire
L’histoire ? Celle
d’un fils issu d’une famille pauvre qui parvient à se faire recommander pour
donner des cours particuliers d’anglais chez les richissimes Park. Le début
d’un engrenage pernicieux et incontrôlable dont personne ne sortira
véritablement indemne. Inutile d’en savoir davantage afin que vous puissiez apprécier
les rouages d’un scénario implacable et ingénieux. Ce huis clos âpre d’une
férocité jubilatoire joue sur la lutte des classes en évitant soigneusement l’écueil
du manichéisme. Il y a d’une part les pauvres, claquemurés dans un sous-sol
d’un petit boui-boui du bas de la ville. Et d’autre part les riches,
confortablement installés dans une somptueuse demeure, aussi aérée que
lumineuse, sise dans les hauteurs. Les indésirables en bas, les nantis en haut.
Et dans ce théâtre domestique, tout est une question d’échelle, de niveaux, d’escaliers,
de verticalité. Et de parasites aussi. Entre grandeur et décadence. Et cette
vérité absolue distillée en filigrane d’un récit retors et acerbe : on est
tous le parasite d’un autre.
V. Une
note : cinq étoiles
Thriller satirique, fable
sociale, comédie noire, drame familial, « Parasite », c’est tout ça à
la fois et bien plus encore. Qu’on se le dise, nous sommes face à un pur coup
de génie. Un tour de force monumental. Une éblouissante claque, même ! Cette
œuvre prodigieuse et puissamment originale est d’une sidérante virtuosité. Bong
Joon-ho orchestre de mains de maître un récit d’une incroyable richesse qui
multiplie les rebondissements imprévisibles ainsi que les dialogues savoureux.
Un scénar’ brillant et limpide qui ne se contente pas uniquement de son fameux coup
de théâtre, lequel est, par ailleurs, savamment amené. Hargneux, fluide,
redoutable, intelligent, burlesque, effrayant, kafkaïen, rythmé, explosif, ce
très grand film est l’événement cinématographique de la rentrée culturelle à ne
surtout pas rater. Imparable !
Note : ★★★★★
Critique : Professeur Grant
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