Netflix Chronicles: Chapter 2wo
Un, c’est bien. Deux, c’est mieux. Voilà que débarque le second chapitre de notre série dédiée aux pérégrinations télévisuelles du Professeur Grant sur Netflix. Au programme : décryptage de cet opérateur culturel vis-à-vis du mastodonte Disney et mini-critiques des derniers films originaux apparus sur la plateforme de contenu dont le dernier trip SF d'Alex Garland, Annihilation.
A. Décryptage :
Netflix à l’aune de la suprématie Disney
Visionnage
boulimique
Le Professeur Grant a
écumé les nouveautés cinématographiques de ces derniers mois sur la plateforme
de contenu Netflix. Un constat : les œuvres originales ont davantage des
allures de téléfilms dominicaux (To The Bone, Irreplaceable You) tandis que
celles qui pourraient soi-disant truster les salles obscures (The Cloverfield
Paradoxe, Bright) se révèlent in fine des pétards mouillés sans intérêt. L’exception
qui confirme la règle : « Annihilation », le dernier Alex
Garland, le réal’ qui se trouve derrière l’extraordinaire « Dredd » (et
non Pete Travis, un secret de polichinelle à Hollywood) et le non moins
convaincant « Ex Machina ».
Et nos prédictions de se
vérifier : l’opérateur culturel se soucie nettement plus de la quantité
que de la qualité. Sous couvert de laisser les mains libres aux auteurs, la
société s’inquiète davantage d’avoir des noms - plus ou moins - porteurs (Noah
Baumbach, Cary Joji Fukunaga et Joon-Ho Bong pour les cinéphiles, Duncan Jones,
McG et David Ayer pour les geeks) utilisés comme produits d’appel tout en se
foutant royalement de l’aspect qualitatif.
Ainsi, les créations inédites
se suivent et s’oublient aussitôt dans un ballet mensuel incessant, se chassent
les unes les autres dans un courant d’air illustrant parfaitement la banalité
de la consommation binge-watching qui
en est faite. Avec Netflix, on entre de plain-pied dans l’apologie du fast-food
télévisuel (sitôt vu, sitôt effacé, avec une digestion contrariée) ou chacun
est invité à donner son avis, à livrer sa cotation dans un fatras… sans valeur.
Buzz
et clics compulsifs
En réalité, ce que
cherche l’entreprise, c’est le sacro-saint buzz, ce bourdonnement inaudible fait de « clics » compulsifs et
obtenu à partir de non-événements. A l’image du dernier épisode issu de
l’univers « Cloverfield ». Annoncé en grande pompe avec un spot
publicitaire payé cher et vilain lors de la grande messe médiatico-sportive du
Superbowl, ce long-métrage de SF sans queue ni tête n’a rien de mémorable.
Conscients du problème
après des projections test désastreuses, la Paramount et le producteur J.J.
Abrams ont préféré céder une partie des droits de diffusion à la corbeille
Netflix plutôt que de se risquer à une sortie coûteuse en salles. Cette situation s’est tout récemment répétée
avec le dernier long-métrage d’Alex Garland. Jugé trop complexe, trop cérébral
voire rébarbatif par la Paramount, ce pourtant très bon film de SF ne sortira
en salles qu’outre-Atlantique.
En Europe, les cinéphiles
sont priés de retourner à leur statut de spectateur télévisuel. Une hérésie
quand on sait que le projet a été pensé pour le grand écran et non la petite
lucarne. Encore une fois, la qualité est le perdant de l’histoire même si le
cinéaste a pu conserver le director’s cut,
la quantité étant la grande gagnante ; l’œuvre pouvant être vue par
plusieurs paires d’yeux dans le monde grâce au rouleau compresseur Netflix.
Voilà bien deux cas
révélateurs des enjeux et des ambitions affichés par les uns (Netflix, Amazon
Prime et autres plateformes de contenu) et les autres (les majors historiques).
Un rapport de force qui devrait bientôt être chamboulé par les desiderata
affichés par Disney (avec dans son escarcelle les Pixar, Marvel, Fox…), Mickey
voulant lancer sa plateforme maison avec ses propres créations et surtout récupérer
son catalogue éparpillé çà et là. Retour au bercail donc, pour les « Classiques »
de Disney, les Avengers, les Pirates des Caraïbes et autres franchises
lucratives qui ont dominé le box-office.
En
attendant Marty
Pour que Netflix, alors
dépouillé de certaines grosses pointures Disney, puisse rester compétitif face
à ce mastodonte hors norme, ce dernier n’a pas le choix : il doit miser
sur les créations originales. Et ce n’est pas avec la pauvreté artistique
actuelle de ses œuvres cinématographiques maison que la société va pouvoir se mesurer
au géant aux grandes oreilles. La plateforme doit donc se ressaisir et affirmer
ses ambitions sur le plan qualitatif tout comme elle le fait avec ses séries
(The Crown, House of Cards, Narcos, Master of None sont quasiment des
chefs-d’œuvre).
Peut-être que cette
dynamique est déjà en marche avec l’arrivée sur la plateforme du prochain film
de Martin Scorsese, « The Irishman », avec Robert De Niro, Al Pacino,
Joe Pesci (sorti de sa préretraite pour l’occasion) et Hervey Keitel, excusez
du peu… Budgété à 140 millions dollars avec des effets spéciaux de
rajeunissement dispendieux (à l’instar de The Curious Case of Benjamin Button)
signés ILM, le long-métrage fera à coup sûr l’événement et, c’est certain,
le buzz.
Faut-il encore qu’il ne
se transforme pas en bad buzz. Netflix attend encore et toujours ses
chefs-d’œuvre qui assoiront définitivement la société comme un acteur
artistique majeur. Il lui manque la reconnaissance critique des professionnels
avec des films primés durant la saison des cérémonies (Mostra, Toronto, Golden
Globe etc.) et, surtout, aux Oscars. Car, qu’on le veuille ou non, ces
manifestations culturelles participent à l’héritage des œuvres importantes.
Car si dernièrement des
films Netflix se sont illustrés durant ces galas à l’instar de
« Okja » et « The Meyorwitz Stories » à Cannes ou de
« Mudbound » aux Oscars, ils sont tous repartis bredouilles. Netflix
mise donc énormément sur « The Irishman ». Car plus que le nombre de
vues, ce sera surtout les récompenses qui seront guettées. Une pression
supplémentaire sur les épaules de ce bon vieux Marty !
B. Mini-critiques :
brefs aperçus sur la récente production Netflix
En attendant, revenons
sur les sorties de ces derniers mois avec des mini-critiques en 140 caractères
maximum. Au menu, une palanquée d’œuvres SF (Mute, The Cloverfield Paradox,
Annihilation), des mélodrames intimistes (To The Bone, Irreplaceable You, First
They Killed My Father), des séries B, au mieux bancales, au pire désastreuses
(Death Note, Bright, The Babysitter), un documentaire fascinant en forme de
making-of du brillant « Man on the Moon » de Milos Forman (Jim &
Andy) et, finalement, notre coup de cœur de cette livraison (Mudbound,
récemment nommé aux Oscars).
Death
Note (0/5)
Direction artistique immonde,
distribution pitoyable, scénario abscons, mise en scène chaotique, ce nanar en
deviendrait presque fascinant.
Bright
(1/5)
On craignait le pire avec
l’association David Ayer/Will Smith. Résultat: on ne les pensait pas capables
de creuser autant dans la médiocrité
Mute
(2/5)
Mieux vaut ne pas
l’associer à Moon afin de ne pas entacher son héritage. A l’image de Richard
Kelly, on assiste à l’évaporation d’un talent
The
Cloverfield Paradox (2/5)
On comprend pourquoi
Paramount l’a refourgué à Netflix. Bancal, il souffre des réécritures subies
pour l’intégrer à l’univers Cloverfield.
First They Killed My Father
(2/5)
Sous prétexte d’offrir
une expérience immersive à hauteur d’enfant, Jolie oublie de raconter quelque
chose et ne fait qu’effleurer son sujet
The
Babysitter (2/5)
McG se joue habilement
des codes du slasher mais sans
dépasser le statut anecdotique de la série B décérébrée. Il manque une dose
satirique.
Irreplaceable
You (2/5)
Un mélo à haute charge lacrymale
pour faire pleurer dans les chaumières, tout juste sauvé de la mièvrerie par un
casting aux petits soins.
To
The Bone (3/5)
Nonobstant une mise en
scène de téléfilm dominical et un récit paresseux, ce mélo a le mérite d’aborder
un sujet difficile avec pudeur. Fort
Mudbound
(3/5)
Une œuvre éclatante qui
aurait toutefois gagné en tension avec un récit plus ramassé. Un casting
éblouissant et une réalisatrice prometteuse
Jim
& Andy (3/5)
Un docu époustouflant sur
la performance schizo de Carrey en Kaufman qui montre qu’il y a bien un autre
film qui se joue derrière la caméra.
Bonus de dernière minute:
Annihilation
(3/5)
Plongée psychédélique
vertigineuse dans le miroitement, un délire SF décomplexé qui vaut plus que ses
échos à The Thing et Alien. Puissant !
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