Coexister
Sous la pression de sa patronne, un producteur de musique à la dérive décide de monter un groupe constitué d'un rabbin, un curé et un imam afin de leur faire chanter le vivre-ensemble. Mais les religieux qu’il recrute sont loin d’être des saints…
Après « Case
Départ » sur le thème de l’esclavage, réalisé en trio avec ses camarades
Thomas N’Gijol et Lionel Steketee, et « Le Crocodile du Botswanga »
sur la Françafrique, en duo avec le
même Steketee, Fabrice Eboué se la joue cette fois-ci en solo pour
« Coexister ». Hasard du calendrier, cette comédie acide sort au même
moment qu’une autre pantalonnade made in
France, à savoir « Les Nouvelles Aventures de Cendrillon » mis en
scène par un certain… Lionel Steketee. Complices autrefois, les voilà devenus
rivaux au box-office. Si on se fout pas mal de qui ressortira vainqueur de
cette bataille aux pépettes, si tout du moins gagnant il y a, la fiction mordante
imaginée par le Nogentais suscite davantage d’intérêt, de par son originalité
mais aussi, et surtout, de par son sujet brûlant.
Parti sur un scénario piquant
à souhait où un producteur musical tente une opération de la dernière chance
pour sauver son label en montant un groupe avec un prêtre, un rabbin et un
imam, le quadragénaire tape pile-poil là où ça fait mal. En inscrivant son
nouveau long-métrage dans le sillage du carton « Qu’est-ce qu’on a fait au
bon Dieu », l’auteur prend un malin plaisir à brocarder le politiquement
correct et le fameux vivre-ensemble. Comme dans le carton de Philippe de
Chauveron, toutes les communautés en prennent pour leur grade. Aucune
appartenance religieuse n’est épargnée tout comme le show-biz et l’industrie du
divertissement sont tournés en dérision. Et on s’en délecte. La force du récit
est de jouer sans détour et sans scrupule avec les clichés, les oppositions,
les antagonismes et les situations conflictuelles. Le tout sans offenser. Car
si Eboué se complaît à jongler avec les stéréotypes et les idées reçues, c’est
pour mieux les railler et les retourner.
Vos zygomatiques seront
mis à rude épreuve ; l’humour est ravageur et les saillies délectables. D’ailleurs,
de nombreuses séquences à haut potentiel burlesque sont tout bonnement à mourir
de rire à l’instar du clip vidéo revu et corrigé de la reprise de « Savoir
aimer », chanté jadis par Florent Pagny, ou encore la réunion improvisée
dans un peep-show avec nos trois hommes de foi. L’extraordinaire abattage des
comédiens, brillamment choisis, fait le reste. Guillaume De Tonquédec, Jonathan
Cohen et Ramzy Bédia forment un boys band
de haut vol tandis qu’Audrey Lamy apporte un contre-pied rafraîchissant en coproductrice
délurée. Ces acteurs sont par ailleurs servis par des dialogues irrésistibles.
Les répliques fusent, certaines à s’en décrocher la mâchoire, d’autres à vous
faire saigner du nez tant elles sont trash.
Disciple du stand-up et prosélyte
de l’école « une phrase, une vanne », Fabrice Eboué maintient le
rythme de son film pour en faire une comédie enjouée et sans temps mort. Le
rire, profane et salutaire, est constamment présent, le ton corrosif et le
casting tellement généreux qu’on pardonne assez vite les quelques balourdises
qui viennent entacher la copie. Si le scénario ne tient pas toutes ses
promesses avec des histoires secondaires abandonnées (l’auteur se délaisse rapidement
de l’enjeu pourtant intéressant sur le mensonge de l’imam qui n’en est pas un),
une prévisibilité handicapante et une conclusion bancale et trop hâtive,
« Coexister » n’en demeure pas moins une farce satirique désopilante où
l’on rit de bon cœur, pour peu qu’on apprécie l’humour caustique et provoc de
son auteur. Une bonne surprise !
Note : ★★★
Critique : Professeur Grant
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