Dunkirk
Le récit de la fameuse évacuation des troupes alliées de Dunkerque en mai 1940.
I. Opération
Dynamo
Après une petite balade
dans le monde des super-héros (la trilogie The Dark Knight) et quelques folles incursions
dans la science-fiction (Inception, Interstellar), Christopher Nolan s’attaque
à un genre auquel il ne s’était encore jamais frotté : le film de guerre.
Avec « Dunkirk », le Britannique s’intéresse à l’opération Dynamo,
entendez la mission de sauvetage de 400.000 soldats anglais pris en tenaille
entre la mer du Nord et l’armée allemande. Coincées, encerclées, traquées, les
troupes alliées sont assaillies par les assauts aériens de la Luftwaffe. Alors
que les destroyers de la Navy manquent à l’appel, des bateaux civils sont réquisitionnés.
De courageux quidams quittent le royaume insulaire pour les plages françaises.
Et l’espoir de rentrer au pays renaît. Mais pour combien de temps ?
II. Immersif,
sensoriel, viscéral
Cette débâcle militaire a
récemment intéressé de nombreux producteurs. On se souvient du superbe
plan-séquence dans « Atonement » de Joe Wright, de la mini-série de
la BBC avec Benedict Cumberbatch et, plus récemment encore, du mélodrame
« Their Finest » qui prenait également pour toile de fond la déroute
de mai 1940. Un sujet passionnant qui ne détenait pas encore son œuvre de
référence. C’est désormais chose faite. En témoigne le niveau de virtuosité que
Nolan démontre tout au long de cette heure quarante-cinq de métrage. Immersif,
viscéral, tendu, le film est une course contre la montre haletante. Le
réalisateur fait montre d’une extraordinaire maestria tant dans sa mise en
scène que dans son récit, lesquels nous font vivre le cauchemar voire le
traumatisme de la guerre : l’effroi, l’attente, l’asphyxie, le froid, le
désespoir. Le cinéaste tente de nous faire ressentir les peurs primaires, les
émotions originelles. Assis sur son siège, le spectateur vit une expérience physique
et sensorielle aussi puissante qu’éprouvante.
III. Muet
Savamment construit, son
scénario ne s’épanche pas sur la psychologie des personnages comme c’est
d’ordinaire le cas dans ce genre de film. Seuls leurs actes à des moments
précis les définissent. D’ailleurs, Nolan privilégie les images au langage dans
une réalisation radicale voire expérimentale. Quasiment muet mais véritablement
sonore, « Dunkirk » fait l’économie des dialogues pour mieux immerger
le spectateur dans l’enfer de la guerre. Le résultat, impressionnant, est
d’autant plus marquant que le travail minutieux réalisé sur le son s’avère
d’une dextérité remarquable. L’Académie devrait, à coup sûr, s’en souvenir lors
des prochains Oscars. Par ailleurs, le cinéaste renonce à toute forme de
réflexion, de message ou de psychologisation. Là n’est pas l’enjeu selon lui.
IV. Terre,
eau, air… feu
Son ambition :
offrir un instantané sur ce moment historique et capital qui définira la suite
de la Seconde Guerre mondiale. Pour ce faire, ce dernier construit sa fiction
en choisissant trois angles, trois éléments, qui sont autant de points de
vue : la terre (les soldats), l’eau (les marins), l’air (les pilotes). Sur
le sable, on suit les errements d’une recrue qui tente cahin-caha de survivre
dans cet environnement hostile. Sur la mer, un vieil homme au pied marin
embarque son fils pour aller secourir les soldats pris au piège sur le champ de
bataille. Dans le ciel, trois pilotes de Spitfire combattent les bombardiers
allemands. Quant au quatrième élément, le feu, il est partout et cause de
nombreux dégâts. Derrière ces destins singuliers se cachent autant de jeunes
acteurs inconnus que de comédiens chevronnés (Tom Hardy, Kenneth Branagh, Mark
Rylance, Cillian Murphy), tous ayant le talent comme dénominateur commun.
V. Narration éclatée
Ces derniers nous font
vivre les épreuves intenses auxquelles ont été confrontés les soldats, que ce
soit sur la plage, sur le pont et dans les cales des navires ou encore dans le cockpit
des chasseurs de la Royal Air Force. Une fois n’est pas coutume, Christopher
Nolan engage et secoue son spectateur au moyen d’une narration éclatée qui se
joue des temporalités. Ceci génère de la dramaturgie, du suspens, des surprises
et de la tension. Il fait finalement très peu appel à des ficelles
scénaristiques pour alimenter son récit. Au contraire, il laisse parler les
images. Celles-ci sont tantôt effroyables (l’agitation sur le môle) tantôt
spectaculaires (les combats aériens), tantôt poétiques (le spitfire qui plane
au-dessus des côtes franco-belges). Le réalisateur travaille en outre l’épure
visuelle avec des effets-spéciaux discrets et parfaitement intégrés et laisse
entendre la violence assourdissante du silence dans un montage sonore
irréprochable. L’illustre Hans Zimmer fait le reste avec une composition
musicale d’une très grande maîtrise.
VI. Ultra-réaliste
Ultra-réaliste au niveau
formel, avec une reconstitution authentique tirée au cordeau (on ferme les yeux
sur les anachronismes urbanistiques du début), « Dunkirk » se veut
fidèle à l’Histoire en n’ignorant pas ce que signifie réellement ce fait
historique ; à savoir une petite victoire (le rapatriement) dans une
lourde défaite (la retraite). D’ailleurs, Nolan a le bon goût de ne pas en
faire des caisses dans un récit à haute charge patriotique (la résistance des
uns, la solidarité des autres). Ce dernier n’agite pas le drapeau et ne ferme
pas les yeux sur la désillusion et le goût de déroute des soldats anglais. Une
débandade qui ne fera pas pour autant ployer les genoux des Alliés, bien au contraire.
Note : ★★★★
Critique : Professeur Grant
Critique : Professeur Grant
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