Jurassic World: Fallen Kingdom
Cela fait maintenant trois ans que les dinosaures se sont échappés de leurs enclos et ont détruit le parc à thème et complexe de luxe Jurassic World. Isla Nublar a été abandonnée par les humains alors que les dinosaures survivants sont livrés à eux-mêmes dans la jungle. Lorsque le volcan inactif de l'île commence à rugir, Owen et Claire s’organisent pour sauver les dinosaures restants de l’extinction. Owen se fait un devoir de retrouver Blue, son principal raptor qui a disparu dans la nature, alors que Claire, qui a maintenant un véritable respect pour ces créatures, s’en fait une mission. Arrivant sur l'île instable alors que la lave commence à pleuvoir, leur expédition découvre une conspiration qui pourrait ramener toute notre planète à un ordre périlleux jamais vu depuis la préhistoire.
I. The
park is gone
«
Dieu crée les dinosaures. Dieu détruit les dinosaures. Dieu crée l'Homme.
L'Homme détruit Dieu. L'Homme crée les dinosaures. Les dinosaures mangent
l'Homme. » La citation de Ian Malcolm dans « Jurassic
Park » est toujours d’actualité dans ce cinquième opus de la saga qui voit
revenir Jeff Goldblum dans la peau du mathématicien spécialiste de la théorie
du chaos. « Welcome to Jurassic
World ». Après la perte de contrôle du parc relaté dans le quatrième
volet, les dinosaures mènent une vie paisible sur Isla Nublar, au large des
côtes costariciennes. « Life finds a
way », comme le disait ce bon vieux Malcolm il y a vingt-cinq ans.
Mais l’île abrite un volcan qui commence à gronder. Owen et Claire, héros du
précédent épisode, s’organisent pour sauver les reptiles de l’extinction. Sauf
que tout ne va pas se passer comme prévu.
II. Exit
Trevorrow,
welcome Bayona
Pour cette nouvelle
livraison, Colin Trevorrow, toujours co-scénariste et producteur exécutif,
passe la main à son confrère espagnol Juan Antonio Bayona, réalisateur chevronné
à qui on doit notamment El Orfanato, Lo Imposible et A Monster Calls. Sa
mission : mettre en scène un blockbuster censé rivaliser avec les autres
superproductions du moment. Suivez
mon regard: Avengers: Infinity War, Deadpool 2, Solo: A Star Wars Story. Et
si possible, ne pas trop dénaturer une franchise souvent partie en freestyle. On se remémore ainsi avec
douleur la scène des barres parallèles dans le 2, l’échange des œufs dans le 3,
les raptors qui communiquent avec l’Indominus Rex dans le 4… Au sortir de la
projection, on peut très vite rassurer les mangeurs de pop-corn : oui, le
film remplit parfaitement le cahier des charges du blockbuster inoffensif avec
son petit lot d’action, de frisson et d’émotion. Le tout est usiné dans une
mécanique conventionnelle accessible à tous les décérébrés de la planète.
Seulement, on n’échappe pas aux moments WTF…
III. Indoraptor
Si vous vous montrez un
tantinet exigeant lorsqu’on parle de septième art, ce « Fallen
Kingdom » bute sur plusieurs points. Le principal : son scénario pas
du tout à la hauteur des ambitions du réalisateur. Soyons clairs, le tandem
Colin Trevorrow / Derek Connolly ne s’est pas foulé en recyclant une trame
globale et des sous-intrigues déjà vues dans la licence. Ainsi, si
« Jurassic Word » pompait allègrement sur « Jurassic
Park », « Le Monde Perdu » semble être le modèle de ce « Royaume
Déchu ». Des répliques qui n’atteignent pas l’aura des deux premiers films.
N’est pas Steven Spielberg ou Michael Crichton qui veut. Cousu de fil blanc, le
récit ne s’embarrasse pas de la plausibilité des faits et encore moins de la
tension narrative. Les enjeux sont donc extrêmement simples, le suspense est
maigre et les surprises inexistantes. Quant à l’arc narratif autour de la
petite fille de Lockwood, il est bâclé car totalement superfétatoire. On
regrettera également que l’idée de l’animal hybride soit à nouveau utilisée. Comme
s’il n’y avait pas déjà suffisamment de carnivores dans le bestiaire
préhistorique… Exit l’Indominus Rex, bienvenue à l’Indoraptor. Tout un
programme ! Bref, Bayona fait ce qu’il peut avec un matériau de base
complètement foireux.
IV. D’incohérences
en invraisemblances
D’incohérences en
invraisemblances, on avance dans l’histoire avec des protagonistes plutôt creux
qui ne répondent à aucune logique. Faisant fi de toute raison, certains
personnages multiplient les choix incompréhensibles, fonçant aveuglément vers
le danger. D’aucuns, complètement débiles, n’ont strictement aucun instinct de
survie (le chasseur, la fillette…). Des comportements absurdes qui exposent de
manière flagrante les facilités prises par des scénaristes en roue libre. Si
Chris Pratt et Bryce Dallas Howard font ce qu’ils peuvent pour garder la tête
hors de l’eau (leur histoire d’amour est dépourvue d’intérêt tandis que Claire
a carrément viré sa cuti concernant sa vision des dinosaures), le reste du
casting peine à s’y retrouver. La faute toujours à un récit mal ficelé et trop
attendu qui ne sait quoi faire de ses personnages. Même l’humour est aux
abonnés absents. Et quand les auteurs s’aventurent malgré tout sur le terrain
de la rigolade, cela en devient presque gênant. Le geek, sans doute utilisé
comme comic relief par des scribouillards
dépassés, est tout bonnement insupportable tandis qu’on ne croit pas une seule seconde
au rôle de Zia Rodriguez en paléo-vétérinaire. Le reste de la distribution
n’est qu’une suite de caricatures grossières (Rafe Spall, Ted Levine, Toby
Jones…). Parallèlement, James Cromwell et
Géraldine Chaplin (fille de…) se demandent ce qu’ils foutent là. Nous aussi…
V. Vision
fantasmatique
C’est dommage car dès le
prologue, on se dit que Bayona tient le bon bout. Une introduction réussie qui
nous fait ressentir des sensations perdues à l’orée des années 90. Cette
séquence semble être une scène coupée des deux premiers films tant elle est
réussie et conforme au label qualité défendu par Steven Spielberg. Plus
globalement, nonobstant quelques énormités que l’on pardonne avec indulgence, c’est
tout le premier acte qui percute avec un épisode impressionnant autour d’un
volcan en éruption, vision fantasmatique de l’extinction qu’ont connue ces
créatures il y a 65 millions d’années. Le réalisateur espagnol se jette à l’eau
et enchaîne alors les bonnes idées de mise en scène comme ce fameux
plan-séquence aquatique à couper le souffle. Littéralement ! Le cinéaste
se permet même plusieurs clins d’œil sympas au cinéma de Tonton Spielby, jouant
la carte du fan-service.
VI. Aux
antipodes de la coquetterie technique
Outre l’ingéniosité des
placements de caméra et le jeu sur les reflets cher au papa d’E.T., de nombreux
plans font écho aux deux premiers films de la franchise. Aux antipodes de la
coquetterie technique, c’est tout le savoir-faire du cinéaste qui se déploie,
faisant passer Colin Trevorrow pour un simple « maker », là où le
Catalan endosse clairement le costume d’artisan. Loin des blockbusters confus
et chaotiques fabriqués à la pelle à Hollywood, Bayona livre une mise en scène
claire et lisible. De quoi nous faire regretter le comeback du premier derrière
la caméra pour le troisième épisode de cette nouvelle trilogie. Pour le reste, le cinéaste se fait plaisir
en confectionnant des plans de toute beauté, dévoilant par la même occasion son
affection pour les films de monstres.
VII. SFX
Sur plusieurs points, la
production corrige le tir par rapport au précédent volet. Il y a trois ans, on
regrettait le peu de soin apporté aux effets spéciaux. Ceux-ci n’avaient pas le
même rendu réaliste que l’association astucieuse et gagnante des animatroniques
de Stan Winston avec les sfx
d’Industrial Light & Magic. Pour cette nouvelle livraison, Juan Antonio Bayona
mise davantage sur les techniques robotiques et semble avoir été plus exigeant vis-à-vis
des animateurs d’ILM. Exit la plastique quelque peu fake, le virtuel devient réel. Tant sur le plan de la faune que des
décors. A aucun moment, ou presque, les CGI ne viennent gêner la rétine. Des
effets numériques qui aident Bayona à s’illustrer sur le terrain de l’horreur
et à offrir l’une ou l’autre belle scène d’ambiance, laissant çà et là un brin
d’effroi s’installer, ce que n’avait pas réussi à faire Trevorrow. Mais
difficile pour le Barcelonais de se mesurer à Spielberg pour ce qui est de la
frousse. Seulement, la saga, comme d’habitude, pèche par un sursaut de
démesure. Il suffit d’épingler les problèmes d’échelle des dinosaures pour s’en
rendre compte. D’une scène à l’autre, la taille des lézards géants change, en
fonction de l’environnement dans lequel ils évoluent. La partie dans le manoir
est à ce titre particulièrement granguignolesque. Encore une facilité. Une de
plus dans une sequel qui les aligne
sans ménagement durant un petit peu plus de deux heures.
VIII. Bigger
than life
En substance, ceux venus
chercher un divertissement bigger than
life y trouveront leur compte, le film étant particulièrement généreux en
scènes d’action. Les autres, plus pointilleux, risquent de perdre patience. Les
aficionados de la première heure, toujours à la recherche de cette dose
d’émerveillement qui fait défaut aux suites de la saga, se désoleront quant à
eux de voir que la franchise n’a jamais réussi à surfer sur les bonnes idées de
l’œuvre originale. Et ce qui est annoncé pour le sixième volet risque bien
d’annihiler tous les espoirs d’un éventuel retour à l’héritage du métrage de
1993.
Note : ★★
Critique : Professeur Grant
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