The Post
Première femme directrice de la publication d’un grand journal américain, le Washington Post, Katharine Graham s'associe à son rédacteur en chef Ben Bradlee pour dévoiler un scandale d'État monumental et combler son retard par rapport au New York Times qui mène ses propres investigations. Ces révélations concernent les manœuvres de quatre présidents américains, sur une trentaine d'années, destinées à étouffer des affaires très sensibles… Au péril de leur carrière et de leur liberté, Katharine et Ben vont devoir surmonter tout ce qui les sépare pour révéler au grand jour des secrets longtemps enfouis…
Introduction:
pile ou face
Côté pile, Steven: Jaws, E.T.,
Indiana Jones, Jurassic Park etc. Côté face, Spielberg: The Color Purple, Schindler’s list, Munich,
Lincoln… En 2018, Steven rencontrera Spielberg. Ou quand les
rêves d’enfance se confrontent aux préoccupations adultes. A ma gauche, The
Post, actuellement dans les salles obscures. A ma droite, Ready Player
One, atterrissage prévu fin mars. Soit un grand écart pour le plus grand
bonheur des cinéphiles. Un film d’auteur militant pour la démocratie et une
superproduction synthétisant la pop culture façon revival des années 80 et 90.
Il y aura donc à boire et
à manger cette année. Mais avant de sortir les pop-corn et les lunettes 3D,
place à sa première incursion dans ce qui est devenu un sous-genre dans le
thriller politique : le film de journalistes. Une catégorie qui a vu défiler
une poignée d’œuvres incontournables, que ce soit dans les salles obscures ou
sur la petite lucarne. On se remémore avec plaisir les All The President’s Men,
Network, Spotlight ou encore la récente série Newsroom.
« La
presse ne doit pas être au service des gouvernants, mais des gouvernés »
Ainsi, dans le sillage
d’Alan J. Pakula et Sydney Lumet, Steven Spielberg réalise lui aussi un long-métrage
centré sur une rédaction en plein doute. Celle du Washington Post en
l’occurrence. Alors que le concurrent New York Times est intimidé par Nixon
suite à la divulgation de secrets d’Etat - les fameux « Pentagon
Papers » révélant les manœuvres politicardes de quatre présidents
américains pour étouffer le fiasco de la guerre sans issue du Vietnam et ne pas
égratigner la sacro-sainte fierté nationale -, le rédacteur en chef Ben
Bradlee (Tom Hanks, impeccable, débite des dialogues soigneusement écrits)
parvient à se procurer les documents sensibles publiés par le canard de la
Grande Pomme et entend bien les utiliser séance tenante.
Un choix éditorial qui
place la directrice de la publication Kay Graham (Meryl « Donnez-moi un
Oscar » Streep) dans une situation plutôt délicate. Outre la pression des
financiers, elle compte parmi ses proches quelques politiciens mis en cause.
Fake
news et contre-pouvoir
Avec
« The Post », Steven Spielberg signe une ode à la presse libre. Le
metteur en scène réalise autant un film engagé qu’une œuvre féministe. A
l’heure des « fake news » déblatérées par l’actuel locataire de la
Maison Blanche, jamais à court d’idées pour discréditer le métier de
journaliste, le cinéaste entend bien secouer les consciences et filme dans
l’urgence ce qui peut être vu comme le prequel
du Watergate (le final est à ce titre éloquent). Son objectif : rappeler à
toutes les générations de façon didactique qu’une presse indépendante est la
condition sine qua non au bon fonctionnement d’une démocratie.
Aidé
par un récit haletant écrit à quatre mains par Liz Hannah et le spécialiste des
médias Josh Singer (Spotlight, The Fifth Estate), ce dernier remplit son
métrage de thèmes pertinents. En vrac : les responsabilités et les limites
du quatrième pouvoir, la déontologie face aux copinages politiques, l’importance
du journalisme d’investigation, l’économie fragile des médias et l’ingérence
des financiers, la course au scoop dans un marché hyper concurrentiel, la
démocratie et l’indispensable liberté de la presse etc. Des thématiques
passionnantes et pas seulement pour ceux qui ont étudié ou qui s’intéressent de
près à la pratique journalistique.
Classicisme hollywoodien
Entouré
de ses fidèles et illustres collaborateurs (la très belle composition musicale
de John Williams, l’extraordinaire travail sur la lumière de Janusz Kaminski,
le montage irréprochable de Michael Kahn), Steven Spielberg maintient avec brio
un suspense implacable. Sa mise en scène d’un classicisme hollywoodien, à la
fois précise et épurée, comme débarrassée de toute fioriture, assure au métrage
une fluidité virtuose et une lisibilité prodigieuse.
On
regrettera par contre quelques séquences beaucoup trop appuyées et redondantes,
notamment lorsqu’il confronte la patronne du quotidien local face à cet univers
patriarcal qu’est la presse, où la seule présence d’une femme gène. Le septuagénaire,
alors peu finaud, se met à radoter, comme si ce dernier avait peur qu’on ne saisisse
pas son message, en l’occurrence on ne peut plus démonstratif. Du reste, « The
Post » est impeccablement mené, tant sur le fond que sur la forme. Du
divertissement oui, mais intelligent !
Note : ★★★★
Critique : Professeur Grant
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