Black Panther
Après les événements qui se sont déroulés dans Captain America : Civil War, T’Challa revient chez lui prendre sa place sur le trône du Wakanda, une nation africaine technologiquement très avancée. Mais lorsqu’un vieil ennemi resurgit, le courage de T’Challa est mis à rude épreuve, aussi bien en tant que souverain qu’en tant que Black Panther. Il se retrouve entraîné dans un conflit qui menace non seulement le destin du Wakanda, mais celui du monde entier…
I. Diversité
et frilosité
En 2017, une
super-héroïne du genre bad ass
faisait irruption sur le grand écran. « Wonder Woman », réalisé par
une femme, Patty Jenkins en l’occurrence, a cartonné aux quatre coins de la
planète donnant raison à l’association Warner/DC d’enfin miser sur la gente
féminine. En 2018, le concurrent Disney/Marvel lance « Black
Panther », une superproduction grand public avec une large majorité de
personnes noires sur la toile. « Enfin ! », dirions-nous. N’en
déplaisent aux racistes et autres sceptiques, 90% du casting est
Africain ou Afro-américain. Il en aura fallu du temps pour que Hollywood range
sa frilosité et s’ouvre à la diversité. Trop longtemps, c’est certain. Cependant,
rien n’est joué d’avance. Pour que l’industrie cinématographique californienne puisse
introduire ce type de projets dans ses plans quinquennaux, il faut encore que
le film cartonne au box-office. Et même si tous les voyants sont au vert (la
machine marketing bien huilée de Mickey, une distribution haut de gamme, un
réalisateur prometteur etc.), ce n’est pas gagné. Pourquoi ? Parce que le métrage
n’est pas aussi bon qu’espéré ! Tout simplement. Et le bouche-à-oreille
risque bien de jouer en sa défaveur.
II. Que
du beau monde
Pourtant, tout partait
bien. L’accueil plus que positif des aficionados hardcore du Marvel Cinematic
Universe (MCU pour les initiés) lors de la première apparition de la panthère
noire dans « Captain America : Civil War » augurait le meilleur
pour la suite. Très tôt, Kevin Feige, le fameux magnat qui fait la pluie et le
beau temps sur les productions de la saga, annonçait son intention de faire de
« Black Panther » un exemple en termes de diversité. « Noir,
c’est noir » comme chantait feu Johnny. Ainsi, derrière la caméra et à
l’écriture, le producteur choisit le chevronné Ryan Coogler pour remplacer Ava
DuVernay, tout auréolé des très bons retours critiques de Fruitvale Station et
Creed, le spin-off de la saga Rocky. Devant l’objectif, une pléiade de talents :
Chadwick Boseman, Michael B. Jordan, Forest Whitaker, Angela Bassett, Lupita
Nyong’o (la touchante Patsey dans 12 Years a Slave), Daniel Kaluuya (le héros
du séisme Get Out), Danai Gurira (Michonne dans la série Walking Dead), mais
aussi Martin Freeman et Andy Serkis pour assurer la transition avec les autres
blockbusters du MCU. En somme, que du beau monde.
III. Le
roi est mort, vive le roi !
T’Chaka est mort. Son
fils, T’Challa, prend logiquement sa place sur le trône du Wakanda, une nation fictive
technologiquement très avancée du continent africain. Mais lorsqu’un vieil
ennemi resurgit, le courage de ce dernier est mis à rude épreuve, aussi bien comme
souverain qu’en tant que Black Panther. Il se retrouve entraîné dans un conflit
qui menace non seulement le destin de son pays, mais celui du monde entier...
On ne vous le cache pas, le synopsis ne vend pas du rêve, loin s’en faut. Et,
il faut bien l’avouer également, nous n’y avons rien dégoté de très intéressant.
Cela émis, la première moitié du film se laisse voir sans trop sourciller.
Certes, on est face à une origin story
tout ce qu’il y a de plus classique et convenue, mais le récit aborde, ou
plutôt devrait-on écrire survole, quelques thématiques qui retiennent toute
notre attention. Notamment lorsque le scénario évoque la question raciale au
Pays de l’Oncle Sam ou encore le pillage de l’art africain par les Européens.
Et là, intrigué, on se dit qu’il y a matière à faire un film de super-héros
intelligent à la manière d’une allégorie didactique sur les politiques menées
au siècle passé.
IV. Un
gloubi-boulga bancal
C’était sans compter
l’abrutissement vanté par le cahier des charges Marvel qui préfère un
nivellement par le bas de ses productions plutôt que de tirer le spectateur de
sa torpeur. C’est dommage, le mérite en aurait été que plus grand. Ainsi, la
seconde partie du film, particulièrement soporifique, affiche toutes ses
faiblesses. Non, les promesses du début ne sont pas tenues. Oui, on aura droit
à une resucée de tout ce que le studio a déjà pu nous refourguer jusqu’ici. Si
le récent « Thor : Ragnarok » avait au moins le mérite de
changer de ton, « Black Panther » n’a strictement rien pour lui. Pis,
il semble être calqué sur un mauvais compromis entre le Classique de Disney
« The Lion King » (rites, traditions, héritage, spiritualité) et l’univers
d’un « James Bond » pour sa technologie high-tech, la sœurette de
T’Challa n’étant autre qu’une Q rajeunie. Le réalisateur y décèle aussi un peu
de « The Godfather » et de « Blade Runner »… Il est bien le
seul. Nous, on y voit surtout un gros fourre-tout bancal, sorte de bric-à-brac
sans queue ni tête !
V. Une
panthère qui ronronne
Outre un récit qui
ronronne (pauvreté des enjeux, dialogues d’une platitude affolante,
rebondissements téléphonés, seconds rôles masculins sous-écrits…) les pupilles
des spectateurs doivent s’infliger des images de synthèse dégueulasses, sans
doute torchées à la hussarde par un stagiaire en graphisme, un riot gun pressé
sur sa tempe. Noyé sous une tonne d’effets spéciaux, le final est vraiment
immonde. Un coup de poing dans l’œil ! Et plus globalement, c’est la
direction artistique qui pose problème. A aucun moment, on ne croit à cet
univers disparate où d’aucuns chevauchent des rhinocéros lors de batailles
homériques survolées par des aéronefs dernier cri. Pis, cette fiction fait
totalement l’impasse sur l’indispensable second degré, hormis l’une ou l’autre
blague syndicale de piètre qualité, or c’est justement ces sursauts
humoristiques bienvenus qui parvenaient à faire avaler la pilule dans les
autres métrages du MCU. Si certaines idées passent plutôt bien en bande
dessinée, d’autres ont du mal à s’afficher sur le grand écran. Ainsi, c’est
tout le travail d’adaptation qui pose problème. Le découpage est à ce titre
particulièrement laborieux, Ryan Coogler ne parvenant pas à s’affranchir du
matériau de base.
VI. Black
power, Girl power
Par ailleurs, ce dernier
a toutes les peines du monde à donner un cadre précis à sa mise en scène, ici illisible.
Le trentenaire n’hésitant pas à lancer sa caméra dans de folles arabesques
indigestes. On notera encore la redondance de certains plans, prouvant bien
l’absence de créativité sur ce terrain-là. Nonobstant ses efforts, les scènes
d’action n’arrivent pas à s’imprégner sur la rétine du spectateur, las de toute
cette débauche numérique. En cause notamment, des chorégraphies de combat d’une
fadeur désolante. Le final est à ce titre navrant. Enfin, et pour couronner le
tout, certains acteurs ont enclenché le pilote automatique. A ce propos,
Chadwick Boseman, pourtant extraordinaire dans la peau de James Brown dans
« Get on up », traîne nonchalamment ses petites papattes de félin sans aucune conviction. Monolithique, le
quadragénaire (41 ans !) se fait donc facilement voler la vedette par des seconds
couteaux féminins, pour le coup, très forts, à l’image des personnages incarnés
par Lupita Nyong’o et Danai Gurira.
VII. Faut
pas déconner !
Ainsi, en dépit de ses
nombreuses faiblesses, « Black Panther » se défend plutôt bien quant
à la représentation des femmes. Il a pour lui d’offrir des rôles forts à ses
actrices. Ces dernières dépassent le statut d’anecdotique faire-valoir en étant
parfaitement intégrées à l’action. N’y voyons pas une œuvre féministe pour
autant. Faut pas déconner ! Coogler réussit également là où les autres blockbusters
de la galaxie Marvel ont échoué : savoir dessiner une figure du mal
ambiguë, tourmentée et pas fait d’un seul bloc comme la plupart des méchants
qui veulent à peu près tous dominer le monde. Le scénariste parvient à donner
de la teneur à ce némésis, fruit des erreurs du précédent Black Panther. Il
fallait bien le concours de Michael B. Jordan pour épaissir ce personnage qui
aurait pu prendre encore davantage d’ampleur avec une base scénaristique plus forte.
Tout n’est donc pas à jeter dans cette nouvelle livraison Marvel, laquelle
restera néanmoins comme l’un des épisodes les plus faiblards de la franchise.
Note : ★★
Critique : Professeur Grant
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