Three Billboards Outside Ebbing, Missouri


Après des mois sans que l'enquête sur la mort de sa fille ait avancé, Mildred Hayes prend les choses en main, affichant un message controversé visant le très respecté chef de la police sur trois grands panneaux à l'entrée de leur ville.




Oscars et Golden Globes

Cette année, les Golden Globes ont décidé de récompenser Ewan McGregor pour sa prestation dans la troisième saison de « Fargo », l’une des meilleures séries du moment. Une reconnaissance cent fois méritée au même titre que celle reçue par Frances McDormand pour « Three Billboards Outside Ebbing, Missouri », laquelle fut jadis oscarisée pour… « Fargo », le film de 1995 signé les frères Coen. Ainsi, sans le vouloir, la cérémonie a reconnu l’héritage des frangins les plus dingos du tout Hollywood. Et d’ailleurs, la plume coenienne se ressent à chaque plan de ces « Panneaux de la Vengeance » (sous-titre français). Mais plus que les Coen, cette fable tragi-comique fleure bon la touche Martin McDonagh. Un peu plus de dix ans après sa statuette glanée pour son court-métrage « Six Shooter », l’Irlandais se place en pole position sur la grille de départ pour la course aux Oscars.

De Bruges à Ebbing

Mais le grand public a surtout découvert son savoir-faire avec « In Bruges », comédie noire délirante contant les mésaventures de deux tueurs à gages britanniques (Colin Farrell et Brendan Gleeson) forcés de se faire oublier quelque temps dans la Petite Venise du Nord suite à un contrat qui a mal tourné. Après le rendez-vous manqué « Seven Psychopaths », le cinéaste reprend une grosse partie de son casting (Woody Harrelson, Sam Rockwell, Abbie Cornish, Brendan Sexton III) et l’emmène du côté d’Ebbing, patelin fictif sis dans le Missouri. L’histoire d’une mère courage qui refuse de voir l’enquête sur le viol et le décès de sa fille au point mort. Pour remuer les autorités locales, cette femme à poigne a une idée géniale: afficher un message controversé sous forme de triptyque visant le très respecté chef de la police sur trois grands panneaux publicitaires à l’entrée de la ville. Ça va jaser dans le bled !

Et le gagnant du meilleur scénario original est…

« Three Billboards » ! Sans aucun doute. On lance les paris ? Car des scenarii qui baladent le spectateur de scène en scène sans que jamais ce dernier ne devine la suite, il y en a très peu sur une année. Et si en sus l’idée de base est originale, pourquoi faire la fine bouche ? N’y allons pas par quatre chemins, cette pure merveille d’écriture millimétrée est le premier électrochoc cinématographique de l’année. Aussi bon scénariste que son frère John Michael (The Guard, Calvary), Martin McDonagh ne cesse d’emprunter des détours et autres chemins de traverse pour brouiller les pistes, pour nous questionner sur le regard qu’on porte sur les protagonistes et, finalement, nous éviter d’avoir une opinion arrêtée sur eux. D’ailleurs, à de nombreuses reprises, on se surprend à changer d’avis sur leur compte. C’est précisément là toute la force du récit : éviter tout manichéisme en conférant aux personnages une vraie profondeur, une véritable humanité. Ni tout à fait blanc, ni tout à fait noir. Ici, le gris domine. Il y a du bon et du mauvais en chacun. Et les circonstances agissent comme des girouettes sur la palette de couleurs.

Pas piqués des hannetons

Un matériau riche, profond, puissant et empreint d’un humour noir délicieusement féroce qui fait la part belle à des dialogues pas piqués des hannetons. Autrement dit, du pain bénit pour les comédiens, lesquelles excellent tous dans leur rôle respectif : de la délirante Frances McDormand, en femme du cru, à l’éternel second couteau Sam Rockwell, dans la peau d’un redneck imbuvable (tous deux repartis le week-end dernier avec un Golden Globe bien mérité), en passant par l’inoubliable Woody Harrelson, bouleversant dans l’uniforme du shérif. Nonobstant des traits de caractère hauts en couleur, les acteurs ne tombent jamais dans la caricature. Chacun parvient à trouver les failles de son personnage. Et, sans qu’on ne s’y attende, l’émotion contenue jusqu’alors sur le fil du rasoir, vient nous submerger, surpris par un scénario définitivement bien ficelé. La mise en scène, maîtrisée et au service de l’histoire, achève de faire de ce « Three Billboards » le rendez-vous incontournable de ce début d’année. Courez-y !


Note :
Critique : Professeur Grant

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