Bilan 2017 - le "Top 10" du Professeur Grant
Hier 2017, aujourd’hui
2018. Qu’on se le dise, et contrairement à 2016, l’année dernière fut un
millésime cinématographique ; de janvier à décembre, le cinéphile a vu débouler
dans les salles obscures une palanquée de longs-métrages de qualité de genres
différents: science-fiction, guerre, comédie, drame, thriller, fresque,
documentaire etc. Difficile dès lors d’épingler une dizaine d’œuvres dans une
rétrospective. Mais, comme le dit l’adage, « choisir, c’est renoncer ». Alors, sacrifions
à la tradition! Voici les dix films qu’il ne fallait pas louper en 2017.
1. Blade
Runner 2049
C’est rare mais, de temps
à autre, il saute aux yeux telle une évidence. Le miracle de voir une suite
meilleure que l’original. Trente-cinq ans après « Blade Runner
», Ridley Scott passe la main au Canadien Denis Villeneuve après avoir déçu les
fans hardcore de la saga Alien avec « Covenant » en mai dernier. Le Québécois
relève non seulement la gageure de réaliser un sequel qui tient la route,
nonobstant les nombreuses pierres d’achoppement parsemées sur le parcours de
production, mais se permet en outre de hisser son long-métrage au rang de
chef-d’œuvre du genre. Le projet particulièrement périlleux voire casse-gueule
prend une ampleur inédite grâce au talent fou du metteur en scène, véritable
auteur de blockbuster à l’instar de Christopher Nolan.
Critique complète ici :
http://www.cinephages.com/2017/10/blade-runner-2049.html#more
2. I Am Not Your Negro
2. I Am Not Your Negro
En épousant le point de
vue de James Baldwin, dont le charisme transparait d’emblée à l’écran avec sa
voix de dandy, ses discours électrisants et sa présence élégante, le
documentariste Raoul Peck met en lumière le regard extrêmement lucide d’un
penseur sous-estimé du XXe siècle. Et rien que pour ça, « I Am Not Your Negro »
est à voir absolument. Il est même indispensable à l’heure où les spectres du
nationalisme et du racisme hantent le Vieux Continent (l’actualité hexagonale
nous l’a encore prouvé). D’aucuns affirment que le documentaire est d’utilité
voire de nécessité publique. On ne peut leur donner tort tant la prose
éclairée, puissante et vivifiante de l’esthète humaniste sonne terriblement
actuelle. Édifiant.
Critique complète ici :
3. Manchester
By The Sea
Le réalisateur Kenneth
Lonergan met ses qualités d’auteur au service d’un récit dense et habile dans
sa manière d’agencer les flash-back, dévoilant au compte-gouttes les éléments
tragiques liés au mal-être du héros (incroyable Casey Affleck, récompensé par
un Oscar pour ce rôle). L’acuité de sa mise en scène épurée, toute en nuance et
en finesse, permet au cinéaste d’éviter l’écueil du pathos et de se débarrasser
des facilités du genre comme des trémolos afin de livrer un mélodrame digne,
poignant, à mille lieux des productions larmoyantes à faire pleurer dans les
chaumières. Bref, « Manchester by the Sea », c’est le cinéma
indépendant américain à son meilleur et vous auriez tort de vous en priver.
Critique complète ici :
4. Dunkirk
L’Opération Dynamo ne
détenait pas encore son œuvre de référence. C’est désormais chose faite. En
témoigne le niveau de virtuosité que Christopher Nolan expose tout au long de
cette heure quarante-cinq de métrage. Immersif, viscéral, tendu, le film est
une course contre la montre haletante. Le réalisateur fait montre d’une
extraordinaire maestria tant dans sa mise en scène que dans son récit, lesquels
nous font vivre le cauchemar voire le traumatisme de la guerre : l’effroi,
l’attente, l’asphyxie, le froid, le désespoir. Le cinéaste tente de nous faire
ressentir les peurs primaires, les émotions originelles. Assis sur son siège,
le spectateur vit une expérience physique et sensorielle aussi puissante
qu’éprouvante. On ne s’en est toujours pas remis.
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5. Au
revoir Là-Haut
Mieux qu’une adaptation
plan-plan, Albert Dupontel s’approprie véritablement ce best-seller et le
condense pour en tirer l’essence même du matériau - sa puissance narrative et
sa force pamphlétaire -, quitte à changer le dénouement de l’histoire et à revoir
la structure. Toutefois, il veille bien à le faire sans dénaturer le propos ni
la charge politique de l’ouvrage. Aventure, humour, poésie et émotion se
conjuguent alors dans cette fresque picaresque emballée dans l’écrin d’une mise
en scène virtuose. Et c’est là tout le génie formel du metteur en scène qui
s’exprime, loin de tout naturalisme, militant davantage pour l’approche lyrique
et le romanesque. Plans-séquences, plongées, contre-plongées etc., le
réalisateur, au sommet de sa verve, se réinvente sans cesse et s’octroie toutes
les fantaisies, jusqu’à s’offrir des mouvements de drones, affirmant par la
même occasion l’importance du regard imaginaire, laquelle traverse l’ensemble
de sa filmographie.
Critique complète ici :
6. Get
Out
Là où les traditionnelles
séries b d’épouvante, lâchées à la pelle dans nos salles obscures, se singent
les unes les autres et ne font finalement que recycler une formule éculée voire
obsolète, Jordan Peele se permet de transcender le genre par une allégorie
puissamment surprenante sur le fait d’être noir aujourd’hui chez l’Oncle Sam.
Son scénario, habilement ficelé, aborde la question raciale en brocardant le
racisme ordinaire sous l’angle de la satire retorse. Le récit est maitrisé du
prologue, particulièrement efficace, à l’épilogue, plutôt bien vu, lequel se
joue de nos attentes de spectateur. Il réussit un subtil mélange entre le
classique « Guess Who’s Coming to Dinner » de Stanley Kramer avec Sidney
Poitier et un épisode paranoïaque de l’extraordinaire anthologie « Black Mirror
» de Charlie Brooker.
Critique complète ici :
7. The
Lost City of Z
Renonçant aux effets de
manche à tous crins et aidé d’une distribution irréprochable (Hunnam, parfait ;
Miller, sensible et juste ; Pattinson, dans la retenue sans être transparent), James
Gray signe autant une épopée intime qu’une odyssée fascinante quelque peu
vintage (tourné en pellicule). Ainsi, le classicisme intentionnellement suranné
de sa mise en scène et les somptueux décors naturels confèrent au film un
lyrisme ample sans toutefois ternir le souffle cinématographique, comme lors de
la reconstitution saisissante des tranchées de l’épisode sur la Grande Guerre.
Enfin, la poésie qui émerge des images, soigneusement mises en lumière par le
chef opérateur Darius Khondji (Midnight in Paris), et des plans, composés tels
des tableaux, octroie au métrage une splendeur esthétique d’une infinie beauté.
En somme, du grand cinéma.
Critique complète ici :
8. The
Big Sick
Aux antipodes de la farce
débilitante ou du drame tire-larmes, les deux auteurs, Kumail Nanjani et Emily
Gordon, déjouent tous les pièges qui leur pendaient au nez. Si quelques clichés
sont véhiculés, comédie oblige, ils sont constamment désamorcés par un humour
subtil pimenté de dialogues ciselés. L’esprit l’emporte sur le gag pour le plus
grand bonheur des spectateurs. Ce second degré et cette autodérision traversent
le métrage de bout en bout. Conséquence : on ne vire jamais dans la tragédie
larmoyante nonobstant les situations dramatiques qui se jouent devant nos yeux.
Et l’émotion de venir s’installer naturellement grâce à une mise en scène à
l’avenant, sans esbroufe, qui se met au service des acteurs et du récit. Drôle
et sensible à la fois, cette comédie douce-amère, joyau du cinéma indépendant
américain, s’affiche comme la petite perle de l’année à ne pas laisser filer.
Critique complète ici :
9. Noces
Avec son dernier métrage
« Noces », librement inspiré de l’affaire Sadia Sheikh, Stephan
Streker dresse un drame sensible et puissant où il est finalement très peu
question de religion. Car c’est l’honneur, les traditions ou encore les
apparences qui importent dans ce récit. Sans manichéisme et avec beaucoup de
pudeur, le réalisateur bruxellois parvient à transcender le fait divers pour en
faire une véritable tragédie grecque. Ce dernier n’accuse personne mais cherche
à comprendre les motivations de chacun. Cinéaste de l’intime avec sa caméra au
plus proche des protagonistes, Streker capte, avec une belle justesse dans le
geste, la moindre émotion et ce sans artifices (aucune musique extradiégétique).
Devant l’objectif, Lina El Arabi, LA révélation de 2017, est fascinante dans un
rôle peu évident.
Critique complète ici :
10. The
Wall
A l’origine, un scénario
écrit par Dwain Worrell. Une petite perle qui végétait dans la précieuse
blacklist de 2014 des scripts les plus prometteurs n’ayant pas pu aboutir à une
mise en production. Concis, radical, percutant, le récit fait mouche jusque
dans ses dialogues. Derrière la caméra, Doug Liman, maître ès
cinéma d’action, abandonne momentanément les superproductions pour se
concentrer sur un long-métrage à taille humaine. Et, une fois n’est pas
coutume, le réalisateur new-yorkais démontre tout son génie dans l’art de la
mise en scène. Quelles soient techniques, budgétaires ou narratives, les
contraintes forment autant de gageures formelles que de défis fondamentaux que
le cinéaste relève avec brio. Ce dernier dépasse le pur exercice de style et
parvient en outre à occulter les quelques baisses de régime et autres creux
scénaristiques. « The Wall » se révèle aussi statique et minimal que tendu et
efficace. La réflexion est garantie, le spectacle aussi.
Critique complète ici :
Et
les autres…
War
of the Planet of the Apes : ce dernier chapitre conclut
de façon brillante les aventures simiesques de Caesar. Film de guerre dans son prologue, le
métrage se mue ensuite en western avant de poursuivre comme une histoire
carcérale. Matt Reeves parvient à éviter l’écueil du melting-pot fourre-tout en
travaillant tant la fluidité du récit que la précision du montage. Épique !
Critique complète ici :
http://www.cinephages.com/2017/07/war-for-planet-of-apes.html#more
http://www.cinephages.com/2017/07/war-for-planet-of-apes.html#more
T2:
Trainspotting : Mission quasiment impossible sur
papier, le trio de chevilles ouvrières, que sont le producteur Andrew
Macdonald, le scénariste John Hodge et le cinéaste Danny Boyle, a parfaitement
réussi sa sequel. Le résultat est une comédie douce-amère (im)pertinente,
jouissive dans l’humour débridé et émouvante lorsqu’elle se teinte d’une vraie
nostalgie.
Critique complète ici :
Detroit :
un film maîtrisé de bout en bout signée par la paire Kathryn Bigelow / Mark Boal,
laquelle dresse un portrait implacable de cette Amérique viciée par un racisme
systémique. Au moyen d’une mise en scène immersive et sans concession, la cinéaste
livre un docufiction sans fausse note d’une intensité remarquable.
Critique complète ici :
Le
Sens de la Fête : un petit bonbon labellisé 100% feel-good où le tandem Toledano et
Nakache utilisent les codes du film choral pour évoquer la société
d’aujourd’hui, toujours avec cette humanité et cette bienveillance chevillées à
la caméra.
Critique complète ici :
Your
Name:
une merveille d’animation japonaise aux images ripolinées et au propos
doux-amer sur le temps qui passe et les opportunités manquées. Un superbe
chassé-croisé, aussi ambitieux et consistant dans son traitement narratif que
riche et inventif dans sa plastique.
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