Logan Lucky
Deux frères pas très futés décident de monter le casse du siècle : empocher les recettes de la plus grosse course automobile de l’année. Pour réussir, ils ont besoin du meilleur braqueur de coffre-fort du pays : Joe Bang. Le problème, c’est qu’il est en prison…
Il n’y a que les
imbéciles qui ne changent pas d’avis. Cet aphorisme sied à merveille à Steven
Soderbergh, tant le cinéaste n’a pas cessé d’annoncer sa retraite anticipée ces
dernières années. Mais rien n’y fait, il a le cinéma dans la peau, l’envie de
réaliser et de raconter des histoires qui lui colle aux baskets. Et tant mieux
pour nous, car le réalisateur propose un regard singulier sur le monde et sur
son (septième) art comme en témoigne sa filmographie, particulièrement
généreuse en grands écarts : la trilogie bankable « Ocean’s »,
le diptyque auteurisant « Che », le trip philosophico-nébuleux
« Solaris », le chef-d’œuvre « Traffic », l’expérimental
« Bubble », la pénible série B aux accents Z « Haywire »
etc.
Bref, il est toujours là
où on ne l’attend pas. Souvenez-vous de son dernier long-métrage produit par
HBO, « Behind The Candelabra », mélodrame rococo et satire acide de
l’industrie du spectacle avec un Michael Douglas majestueux et un Matt Damon
impayable en lover à la crinière
blonde peroxydée. Inoubliable sortie pour le metteur en scène qui s’est par la
suite réveillé à la télévision avec la série « The Knick » avant de
reprendre la direction des salles obscures pour ce « Logan Lucky »
qui nous intéresse aujourd’hui. Sur le papier, on se demande pourquoi Soderbergh
s’est entiché de ce projet aux folles allures d’un « Ocean’s Fourteen »
où la bande de George Clooney et Brad Pitt aurait laissé la place à des bras cassés
du genre péquenaud.
Et puis, au sortir de la
projection, le tout apparaît telle une évidence. Limpide, clair comme de l’eau
de roche, on voit directement ce qui a plu au quinquagénaire : le scénario
se montre bien plus intéressant que ne laisse présager le synopsis, le
personnage de Joe Bang est une merveille à mettre en scène, le sous-texte
satirique grinçant fait mouche sans oublier la perspective non négligeable d’accueillir
une belle brochette de stars dans des rôles de redneck pas piqués des
hannetons. Pourquoi refuser une telle aubaine ? Il y a deux manières
d’aborder le film : soit le voir comme un heist movie classique avec son lot de séquences attendues, soit le
regarder en dénichant le contenu implicite du récit, Soderbergh y brossant un
portrait au vitriol d’un pays fracturé par un capitalisme aveugle.
Dans les deux cas, le
cinéaste maîtrise son sujet. Ce dernier fustige l’hypocrisie qui règne dans une
Amérique qui ne fait aucun cadeau aux laissés-pour-compte tout en ne perdant
pas de vue la légèreté du propos, à savoir un film de casse enjoué avec des
pieds nickelés à l’avant-plan. Le réal’ peut compter sur un casting quatre
étoiles : si Channing Tatum et Adam Driver sont impeccables en frangins,
l’attraction du film n’est autre que Daniel Craig. Le Britannique offre une
performance de dingue dans un rôle à contre-emploi, dévoilant par la même
occasion un talent comique insoupçonné. La réalisation maîtrisée de Soderbergh,
qui n’a décidément rien perdu de sa superbe, finit par faire de « Logan
Lucky » un agréable divertissement indépendant qui prouve que lorsqu’on a
du talent, il n’est pas nécessaire d’obtenir le support d’un studio pour réaliser
un métrage qui a de la gueule.
Le film n’est toutefois
pas exempt de tout défaut. On regrette ainsi une baisse de rythme dans le
troisième acte, on chicane sur la prévisibilité de l’intrigue et on déplore le
sort réservé aux personnages secondaires féminins, lesquels passent tous à la
trappe. En outre, le métrage ne révolutionne pas le genre. Pis, il s’installe, certes
sans démériter mais sans génie ni originalité non plus, dans une longue litanie
de films de braquage. Heureusement, le tout ne manque pas de panache et offre
un divertissement de qualité sympa, gouleyant même, à défaut d’être mémorable.
Note : ★★★
Critique : Professeur Grant
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