Blade Runner 2049
En 2049, la société est fragilisée par les nombreuses tensions entre les humains et leurs esclaves créés par bioingénierie. L’officier K est un Blade Runner : il fait partie d’une force d’intervention d’élite chargée de trouver et d’éliminer ceux qui n’obéissent pas aux ordres des humains. Lorsqu’il découvre un secret enfoui depuis longtemps et capable de changer le monde, les plus hautes instances décident que c’est à son tour d’être traqué et éliminé. Son seul espoir est de retrouver Rick Deckard, un ancien Blade Runner qui a disparu depuis des décennies...
Denis
Villeneuve, metteur en scène
C’est rare mais, de temps
à autre, il saute aux yeux telle une évidence. Le miracle de voir une suite
meilleure que l’original. Des exemples existent dans l’Histoire du septième art,
cependant, il faut parfois prendre quelques secondes pour s’en souvenir. Au hasard,
« Star Wars : The Empire Strikes Back », « Terminator 2 :
Judgment’s day » ou encore « X-Men 2 » pour n’en citer que trois
dans le cinéma de science-fiction. Trente-cinq ans après « Blade
Runner », Ridley Scott passe la main au Canadien Denis Villeneuve après
avoir déçu les fans hardcore de la saga Alien avec « Covenant »
en mai dernier. Le Québécois relève non seulement la gageure de réaliser un sequel qui tient la route, nonobstant
les nombreuses pierres d’achoppement parsemées sur le parcours de production,
mais se permet en outre de hisser son long-métrage au rang de chef-d’œuvre du
genre. Le projet particulièrement périlleux voire casse-gueule prend une
ampleur inédite grâce au talent fou du metteur en scène, véritable auteur de
blockbuster à l’instar de Christopher Nolan.
Hampton
Fancher, scénariste
Tant dans le fond que
dans la forme, le cinéaste, à qui on doit « Arrival », « Sicario »
ou encore « Prisoners », reste fidèle à l’esprit du premier volet,
tout en évitant la redite et le sentiment de déjà-vu. En rappelant Hampton Fancher
au scénario, la production se donnait les moyens de bétonner le script pour
qu’il soit irréprochable et surtout cohérent avec le reste de ce qui devient
une saga (cf : trois courts-métrages diffusés sur la toile en guise de
préambule). Et, de fait, l’histoire est passionnante avec sa trame digne d’une
enquête tout droit sortie d’un polar ultra-sombre. Si les thèmes abordés n’ont
pas changé d’un iota (l’exploitation de l’intelligence artificielle, la quête
identitaire, les questionnements sur les origines, la définition même de
l’humanité, le rapport aux autres et les discriminations, la condition humaine),
les enjeux philosophiques qu’en tire le scénariste sont plus que jamais
d’actualité. Le suspens fonctionne tellement bien qu’on reste captivé jusqu’à
l’issue, après 2h45 de projection.
Joe
Walker, monteur
A contre-courant des
canons rythmiques actuels dans le cinéma contemporain hollywoodien, Denis
Villeneuve aborde cette intrigue avec une lenteur qui permet d’installer des
atmosphères inédites sur grand écran. Ce n’est donc pas étonnant de retrouver Joe
Walker derrière la table de montage. Ce technicien d’origine britannique a eu la
brillante idée d’étirer sans fin la fameuse scène de pendaison dans le choc
« 12 Years a Slave » de Steve McQueen. Un plan interminable à la
limite du supportable qui restera à jamais gravé dans la mémoire du cinéphile.
Dans « 2049 » aussi, il allonge le temps. Contemplatif mais jamais
rébarbatif, le film avance à son rythme sans avoir recours à des artifices clipesques pour booster le tempo. Pour
sûr, cela déconcertera plus d’un adolescent assoiffé d’images
épileptiques !
Roger
Deakins, chef opérateur
Cette contemplation
fonctionne parce que l’esthétique du film est particulièrement soignée. A la
direction photo, on retrouve sans surprise le virtuose Roger Deakins
(Spectre, No Country For Old Man), lequel a déjà collaboré avec Villeneuve
sur « Prisoners » et « Sicario ». Comme à l’accoutumée,
le chef op’ ne se contente pas d’exploiter son savoir-faire mais questionne
véritablement son art pour imaginer des ambiances inédites, des images
nouvelles et, n’ayons pas peur des grands mots, de véritables plans picturaux à
faire pâlir n’importe quel tableau d’un grand maître. La bande-annonce dévoilait
déjà une imagerie SF ahurissante, le film distille encore davantage de scènes époustouflantes
qui s’impriment durablement sur la rétine du spectateur, bouche bée. Plutôt que
de référencer sans cesse l’excellent travail de Jordan Cronenweth sur
l’original, l’Anglais s’en détache et trouve sa propre signature visuelle tout
en garantissant une fidélité avec le métrage de 1982. La beauté plastique du métrage,
inoubliable, à la fois réaliste et rétro-futuriste, devrait à coup sûr conférer
le premier (!) Oscar à cet artisan sous-estimé de l’ombre… et de la lumière.
Dennis
Gassner, chef décorateur
Les efforts conjugués de
toutes ces sommités ne serviraient à rien s’il n’y avait pas sur le plateau le
talent d’un illustre chef décorateur. Son nom : Dennis Gassner. L’homme peut
se targuer d’avoir donné vie au « Big Fish » de Tim Burton et
possède notamment les trois derniers « 007 » à son tableau de chasse.
Plutôt que de recourir aux effets numériques, l’Américain s’est efforcé
d’imaginer un decorum réaliste en dur. Ainsi, l’équipe de tournage a tenté de tourner
un maximum en décors naturels et en studio. Les inspirations sont à chercher du
côté des métropoles de Pékin (et son brouillard), Mexico, Budapest, Las Vegas
mais aussi du désert des Mojaves. Les références stylistiques sont également à
trouver du côté de l’architecture moderne. Par ailleurs, le rendu des scènes en
intérieur est étourdissant.
Hans
Zimmer, compositeur
Exit la petite perle
montante Jóhann Jóhannsson, compositeur attitré de Denis Villeneuve et un temps
associé au projet, c’est le tandem Hans Zimmer/Benjamin Wallfisch qui se charge
d’emballer musicalement le film. On peut regretter ce choix tant l’Islandais
est sans conteste l’artiste le plus novateur dans sa branche, là où Hans Zimmer
se contente ces dernières années d’adapter un style qui lui est propre sans
pour autant innover. Le natif de Francfort est d’ailleurs devenu un genre à
part entière, pillé ad nauseam dans les bandes-annonces, au point que son
travail devient une caricature en soi. Cela ne lui empêche pas de se surpasser,
comme dans le score du récent
« Dunkirk ». Ici, le duo Zimmer/Wallfisch a eu la lourde tâche de
succéder au brillant Vangelis qui, à l’époque, avait osé un soundtrack atypique, aux antipodes des
sonorités classiques. L’effet d’une petite bombe comme lorsque Wendy Carlos a
ambiancé « A Clockwork Orange » de Stanley Kubrick. Résultat, la
paire s’en sort honorablement. Certes, la bande n’est pas originale. Certes, le
tandem semble claquemuré dans son style originel. Certes, les compositeurs, figés
dans leur zone de confort, n’osent se réinventer. Certes, on aurait aimé plus
d’audace et de prises de risque. Mais, l’efficacité est là ; la musique
envahit à merveille l’espace et sait se taire au besoin, marque de fabrique de
Villeneuve, toujours attentif à l’ambiance sonore de ses films.
Ryan
Gosling, acteur
Tranquillement, Harrison
Ford poursuit le revival des films
cultes qui ont jalonné sa carrière. Après « Indiana Jones » et
« Star Wars », l’acteur touche à l’intouchable « Blade
Runner ». Cependant, de rôle principal, le comédien est ici relégué au statut
de personnage secondaire. Le protagoniste est incarné par Ryan Gosling, parfait
dans la peau d’un homme mutique qui traîne sa mine de chien battu tout au long
du film. Un style que maîtrise le Canadien (Drive, Only God Forgive et même,
dans une moindre mesure, La La Land). Un homme ? Pas tout à fait. Un
androïde de la dernière génération qui se questionne justement sur sa part
d’humanité et sa place dans un monde qui en est dépourvue. Irréprochable, le
trentenaire performe en veillant bien à ne jamais sous-jouer, à ne jamais
devenir transparent. Présent malgré l’absence d’émotion, subtil lorsqu’il
s’agit de montrer les tourments du personnage, on suit avec intérêt la quête
identitaire et les affres de cet humanoïde.
Post-Scriptum :
Imax 3D
Film d’auteur avec les
moyens d’un blockbuster (185 millions de dollars de budget), « Blade
Runner 2049 » est un petit chef-d’œuvre qu’on conseille vivement de
visionner en IMAX 3D. Dans ces conditions idéales, le métrage prend alors une
ampleur démentielle, tant sur le plan de l’image (certaines scènes vous
submergent), qu’au niveau du son (les sièges de la grande salle obscure vibrent
réellement). L’expérience est unique et incomparable, à l’image du prix du
ticket de cinéma, majoré d’un supplément de… six euros !
Note : ★★★★★
Critique : Professeur Grant
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