La La Land
Au
coeur de Los Angeles, une actrice en devenir prénommée Mia sert des
cafés entre deux auditions. De son côté, Sebastian, passionné de
jazz, joue du piano dans des clubs miteux pour assurer sa
subsistance. Tous deux sont bien loin de la vie rêvée à laquelle
ils aspirent... Le destin va réunir ces doux rêveurs, mais leur
coup de foudre résistera-t-il aux tentations, aux déceptions, et à
la vie trépidante d'Hollywood ?
Prélude
Bien
que ‘La La Land’ porte la dénomination de « film », ce
long-métrage est une véritable œuvre d'art, une expérience
visuelle et sonore unique en son genre, une remarquable déclaration
d'amour au septième art. Porté par un casting talentueux et une
musique proche de l'accord parfait, Damien Chazelle (l'excellent
'Whiplash') se hisse sans trop de mal au rang de meilleur réalisateur
actuel (son Golden Globe en janvier le confirme) et se pose en
persona grata dans le cœur des cinéphiles.
Si
l'idée d'aller voir une comédie musicale nous angoissait, les
visages rayonnants du tandem principal ont bien vite chassé la peur
de voir débarquer des scènes de chant ex abrupto. Si
certains réalisateurs gâchent leur talent dans des reboots
intéressés (à défaut d’être intéressants), Damien
Chazelle se lance quant à lui le défi herculéen de ressusciter un
genre : celui de la comédie musicale Hollywoodienne. Après vision
de son dernier long-métrage, nous nous disons que le jeune prodige
du cinéma américain a bien révisé. Il a compris le principe-clé
de la comédie musicale : les chansons interviennent quand l’émotion
ne peut plus être retranscrite par des mots. Ainsi, quand Gene Kelly
commençait à danser, c'est parce qu'il ne savait s'exprimer
autrement. Un principe simple avec lequel les réalisateurs de 'Rock
of Ages' (2012) et 'Mamma Mia' (2008) n’étaient visiblement pas au
clair.
Le
cœur de ‘La La Land’
Avec
son époustouflante ouverture fellinienne, ses scènes poétiques,
ses transitions créatives, ses numéros de danse, ‘La La Land’
sort des sentiers battus. Une de ses forces est sans conteste son
universalité. Le-la spectateur-trice n'a aucun mal à s'identifier
aux personnages principaux. Centré sur la poursuite des rêves
plutôt que sur une histoire d'amour – comme le cinéma en regorge
– ‘La La Land’ raconte l'histoire de deux jeunes artistes dont
les destinées vont se croiser. Le film nous incite à réfléchir
sur l'équilibre à trouver entre aspirations mirobolantes et vie
sentimentale.
Hat
tip
Quelle
autre ville que Los Angeles pour accueillir cette histoire de temps
qui passe (souvenez-vous de la chanson “As time goes by”
dans ‘Casablanca’)? Les hommages sont trop nombreux pour tous les
citer tant cette oeuvre se montre riche (les sets des grands
studios, les posters dans la chambre de Mia, les fresques/graffitis
dans les rues, etc). Les références à Fred Astaire et Ginger
Rogers pleuvent aussi, l’hommage au cinéma de Gene Kelly ('Singin'
in the Rain', 'An American in Paris') est évident, celui au cinéma
de Jacques Demy ('Les parapluies de Cherbourg', 'Les demoiselles de
Rochefort') l’est tout autant.
Chaque
grande histoire d’amour a sa bande originale. ‘La La Land’ a
bénéficié de la baguette du talentueux Justin Hurwitz, le colloc’
d’études de Damien Chazelle. Le compositeur signe un BO céleste
et s’offre même le luxe de reprendre une de ses compositions de
‘Whiplash’ : “When I wake”.
Les
stars
Deux
heures par jour, six jours par semaine, pendant trois mois. Ce fut le
temps nécessaire à Ryan Gosling pour apprendre les morceaux au
piano par cœur (aucune doublure à ce niveau). Une telle implication
– à l’instar de celle de Miles Teller dans le précédent film
de Chazelle – force le respect. Une volonté du réalisateur qui
souhaitait tourner à l'ancienne sans coupes ni editing.
Gosling épata tout le monde sur le tournage, y compris son
partenaire à l’écran John Legend ; pourtant musicien de
formation. Très impliqué artistiquement parlant, l’acteur qui
débuta au Mickey Mouse Club a ajouté des répliques
personnelles pour donner plus d’authenticité à ses propos. Par
ailleurs, il incarne sans mal un personnage à la classe équivalente
à celle d’un Rick Blaine (Humphrey Bogart dans 'Casablanca').
Que
dire de la prestation d’Emma Stone si ce n’est qu’elle est
prodigieuse? La scène de l’audition interrompue force le respect.
Chapeau bas à la comédienne pour cette mise en abyme du métier
d’acteur. Gosling, Stone, Stone, Gosling. Quand ces deux-là se
regardent, nous nous disons que l’alchimie dont ils font preuve est
le fruit de deux précédentes collaborations ('Crazy Stupid Love' &
'Gangster Squad'). Le film n’aurait jamais fonctionné sans de si
talentueux acteurs/bourreaux de travail. Si Emma Stone est l’essence
de ‘La La Land’, Ryan Gosling en est le souffle. Hollywood
s’impose en troisième personnage de ce triangle amoureux.
Le
maestro
Avec
‘La La Land’, Damien Chazelle ('Whiplash', 'Guy and Madeline on a
Park Bench') dépoussière son projet-phare. Un projet sur lequel lui
et Hurwitz travaillaient il y a six ans déjà dans leur logement
universitaire. Si Chazelle n’a pas son pareil pour filmer la
musique, il se révèle être un admirable conteur. Avec sa
réalisation maîtrisée, il donne un nouveau souffle à un monde
bien vintage.
Un
parallèle peut d’ailleurs être établi entre le protagoniste qui
s'évertue à vouloir sauver le jazz d’une extinction inéluctable,
et le réalisateur qui s'essaie ici à un genre éteint. In fine,
‘La Land Land’ est autant un hommage qu'un renouveau du genre.
Le
mot de la fin
Damien
Chazelle compose une partition magique et nostalgique sans aucun
bémol à la clé, et qui devrait logiquement entrer dans le panthéon
du cinéma américain. Premier film à être récompensé de sept
Golden Globes, ce vibrant hommage qu'est 'La La Land' – qui
part favori aux Oscars le mois prochain – laissera les
spectateur-trice-s béat-e-s. Même celles et ceux qui ne sont pas
féru-e-s de comédies musicales se verront éclaboussé-e-s par le
trop plein d'euphorie et de couleurs, et par le tourbillon d’émotions
qui font de ‘La La Land’ un instant classic.
Au
sortir de la projection, vous vous surprendrez à taper du pied et à
siffler “City of stars” en regagnant votre domicile. 'La La Land'
prouve également que la comédie musicale n'a pas encore donné son
requiem. Tantôt audacieux, tantôt retro, tantôt drôle, tantôt
romantique, 'La La Land' est un éblouissant exercice de style.
Difficile d'imaginer qu'un autre film cette année puisse nous amener
aussi près des étoiles de la cité des anges.
Note
: ★★★★★
Critique
: Goupil
Relecture
: Choupette
Autre critique, autre point de vue - "La La Land" vu par le Professeur Grant:
Au petit jeu futile mais
ô combien ludique des notes étoilées si chères à la critique cinématographique,
on ne souhaite donc pas participer à cette générosité ambiante et lui en offrir
quatre sur les cinq potentielles. Tout comme l’octroi de trois petites étoiles
serait un jugement beaucoup trop sévère à notre goût. Alors, que fait-on ?
Pas le choix, on prend ses responsabilités et on tranche dans le lard. Afin de
rétablir quelque peu l’équilibre dans ce salmigondis d’avis euphorisants et
autres critiques enthousiastes, on se fera l’avocat du diable et on notera un
brin à contre cœur… 3/5. Lire « un très bon film » malgré tout. Crime
de lèse-majesté ? Allez, sans rancune ! Oh, et puis non… Soyons
fous : 4/5. Bref, nous nous sommes compris.
Bonus round : le clip officiel
Autre critique, autre point de vue - "La La Land" vu par le Professeur Grant:
Intro
« Magnifique », « Incroyable », « Magique », « Chef-d’œuvre », « Un triomphe », « Le meilleur film de l’année »… La critique internationale s’époumone à qui mieux mieux pour dénicher le superlatif idoine qui viendra trôner fièrement tout en haut de l’affiche du film « La La Land ». Le tapage médiatique assourdissant prend de plus en plus un ton comminatoire. Comme si le spectateur lambda se devait d’apprécier ce long-métrage encensé par la presse et adulé par le grand public. Rassurez-vous, nous ne nous permettrons pas de flagorner une œuvre - qu’on a certes appréciée, mais de là à galvauder un mot si précieux tel que « chef-d’œuvre », il n’y a qu’un pas que nous ne franchissons pas - uniquement dans l’intention de participer à cette joyeuse unanimité.
« Magnifique », « Incroyable », « Magique », « Chef-d’œuvre », « Un triomphe », « Le meilleur film de l’année »… La critique internationale s’époumone à qui mieux mieux pour dénicher le superlatif idoine qui viendra trôner fièrement tout en haut de l’affiche du film « La La Land ». Le tapage médiatique assourdissant prend de plus en plus un ton comminatoire. Comme si le spectateur lambda se devait d’apprécier ce long-métrage encensé par la presse et adulé par le grand public. Rassurez-vous, nous ne nous permettrons pas de flagorner une œuvre - qu’on a certes appréciée, mais de là à galvauder un mot si précieux tel que « chef-d’œuvre », il n’y a qu’un pas que nous ne franchissons pas - uniquement dans l’intention de participer à cette joyeuse unanimité.
On a bien aimé
On a bien aimé. Oui,
c’est vrai. On a adoré le peps de la séquence d’ouverture, la mise en scène
virevoltante de Damien Chazelle (l’excellent Whiplash), l’interprétation
ébouriffante d’Emma Stone, le flegme habituel de Ryan Gosling, les
chorégraphies vertigineuses dispensées par Mandy Moore, les compositions
musicales énergiques de Justin Hurwitz, les costumes et décors aux
couleurs vives, l’imagerie rétro-chic, le lyrisme exaltée, la séquence finale
et sa fantasmagorie. Tout ça a suscité d’emblée notre adhésion au sortir de la
projection. C’est certain, « La La Land » regorge de qualités et
elles méritent d’être saluées lors de la prochaine cérémonie des Oscar car on a
vécu un grand moment de cinéma. Un spectacle total, bluffant tant sur le plan
musical que visuel.
Mais pour qu’on puisse
crier au chef-d’œuvre, il faudrait que ladite œuvre soit irréprochable. Or, si
elle touche au sublime à de nombreux instants, si la grâce absolue n’est qu’à
quelques pas de claquettes, plusieurs pierres d’achoppement viennent toutefois
ternir l’image faussement magique que nous sert la promotion à coup de
citations de journalistes acquis à la cause. Loin de nous l’idée de jouer les
rabat-joie, juste l’envie de ne pas taire l’évidence, juste le désir de ne pas
s’aveugler devant une quelconque liesse populaire. Par respect pour l’œuvre
présente, mais aussi par honnêteté intellectuelle vis-à-vis de celles déjà
passées sous notre plume. « Notre métier n’est pas de faire plaisir, non plus
que de faire du tort, il est de porter la plume dans la plaie », dixit Albert
Londres.
On n'a pas aimé
On n’a pas aimé. Oui,
c’est vrai. On se montre particulièrement réservé par rapport à quelques scènes
de comédie musicale. D’emblée, on conseille de se focaliser sur les images
plutôt que sur les sous-titres. L’intérêt est davantage visuel, la qualité des
textes laissant parfois à désirer. On est étonné de voir que certaines séquences
chantées apparaissent à l’écran comme de bancals numéros de playback. C’est
regrettable. Aussi fâcheux que de remarquer un fusil en caoutchouc dans une
« gunfight » d’un film d’action. Le métrage perd alors de sa superbe.
Par ailleurs, on ne peut nier une baisse de régime dans la deuxième partie du
film, lequel perd son rythme. En cause : des scènes tirées en longueur et
une tendance du réalisateur à se regarder filmer.
Enfin, on reste
circonspect quant à l’histoire. Sans trop en dévoiler (spoiler), on imagine mal
comment deux tourtereaux peuvent aussi facilement délier leur amour. Damien
Chazelle nous explique en long et en large que leur union est fusionnelle, mais
prend une scène pour défaire ce qui a été longuement construit. Les personnages
ne se donnant aucune chance. Si on voit bien où le metteur en scène veut en
venir (les rêves ont un prix), on s’étonne des proportions entre la love-story
insouciante et féerique et la mélancolie liée aux douces chimères des
protagonistes. Le récit ne tient donc pas toutes ses promesses, comme si
l’auteur avait une idée très précise de sa conclusion, magistrale,
rappelons-le, mais éprouvait quelques difficultés à y parvenir. On reste
perplexe.
Outro
Critique: Professeur Grant
Bonus round : le clip officiel
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