Hacksaw Ridge

L'histoire de Desmond Doss, le premier objecteur de conscience à avoir remporté la médaille d'honneur du Congrès américain. Durant la Seconde Guerre mondiale, il devint infirmier pour ne pas avoir à utiliser une arme... 





'Hacksaw Ridge' a une double mission : (re)conquérir les lettres de noblesse du genre un peu en perdition depuis 'Saving Private Ryan' (malgré le réussi 'Flags of Our Fathers'). Ensuite, il a la lourde tâche de faire revenir Mel Gibson dans les bonnes grâces d'Hollywood. Mission accomplie ou débandade totale ?

Desmond Doss – le héros du film – avoua avoir sauvé 50 soldats alors que ses camarades n'hésitèrent pas à doubler ce chiffre. Objecteur de conscience, il refusa de porter une arme pendant son service. Desmond était un protestant croyant et « adventiste du septième jour », de surcroît. Il était par conséquent très attaché à la liberté de conscience. Servir son pays, oui. Porter une arme, non. Cela allait à l'encontre de ses principes.

Derrière la caméra, un acteur mythique. Jugez plutôt : Martin Riggs, Mad Max, William Wallace, Bret Maverick, etc. Mel Gibson – ici sous sa casquette de réalisateur ('Apocalypto', 'The Passion of the Christ', 'Braveheart') – signe son premier film en dix ans. L'attente en valait-elle la peine ? Avec dix minutes de standing ovation à la Mostra de Venise en septembre dernier, tout porte à le croire.

'Hacksaw Ridge' (une des campagnes d'Okinawa ; le titre fait référence à une crête difficilement accessible) est une réussite. Visuellement parlant, c'est la claque que personne n'a vu venir. Avec ses scènes en vue subjective, ses effets de ralenti, ses plans recherchés, sa tension opprimante, ses répliques qui font mouche, son solide casting, Gibson sort l'artillerie lourde et se montre tantôt inventif, tantôt perfectionniste.

'Hacksaw Ridge', ou l'histoire d'un vrai super-héros sans collants. C'est ce qui fait la force du film à une époque où les combinaisons en lycra dominent fréquemment le box-office. Famille, foi, amour, pardon et bravoure : de vraies valeurs sont donc au rendez-vous. Pour le héros, il est question de sauver des vies au lieu d'en prendre. C'est un beau message de pacifisme dans un contexte de guerre. Transporté par l'idée de revoir sa fiancée, ce héros – sur lequel personne ne pariait au stand de tir – déplacera des montagnes (de muscles). Une belle histoire d'amour en toile de fond a pour effet de consolider l'ensemble.

Mel Gibson joue avec des références au cinéma ('Full Metal Jacket'), à la peinture (certains plans ne sont pas sans rappeler les tableaux de Paul Nash et John Singer Sargent) et à la poésie (Wilfred Owenet baigne le tout dans le sang et les larmes. Il ne cherche jamais à détourner la caméra, et par conséquent, le regard du spectateur. Cet amour de la violence est plutôt dérangeant (visions d'intestins au grand air, morceaux de corps qui fusent, etc). Âmes sensibles s’abstenir !
Le film tente aussi d'expliquer le fameux « shell shock ». Après avoir connu l'enfer, le soldat peut-il trouver la paix intérieure ?

En outre, on peut établir un parallèle avec la polémique constante autour du deuxième amendement aux États-Unis. « Tu ne tueras point » dit Dieu. « Tu ne porteras pas d'arme », dixit Gibson.

Andrew Garfield (ex-Spider-Man) élève encore un peu plus son jeu – déjà brillant jusqu'ici. Teresa Palmer (vue dans 'Point Break' et 'Warm Bodies') fait à nouveau la preuve de tout son talent. Luke Bracey ('Point Break' et 'The November Man') – dans le rôle du méchant de service devenu ami – délivre une solide performance. L'acteur gagne indiscutablement à être connu. Quant à Sam Worthington ('Avatar'), il mûrit dans un rôle plus paternel. Hugo Weaving (l'agent Smith dans 'The Matrix') et Vince Vaughn viennent honorablement gonfler les rangs. À noter le (premier) petit rôle de Milo Gibson (le fils de Mel) sur grand écran.

Viscéral, brutal et sanguinolent, 'Hacksaw Ridge' marque les esprits. Cette fable de l'héroïsme nous prend par les tripes en nous immergeant dans un contexte de guerre. Du jamais vu depuis 'Sergeant York' (1941). Véritable histoire de salut, le film se révèle être un vibrant hommage à tous les soldats morts « pro patria » pendant la bataille d'Okinawa. De quoi encourager le travail de mémoire. Mel Gibson, un des meilleurs réalisateurs de films de guerre ?

Note :
Critique : Goupil

PS : [Spoiler alert] 
Desmond Doss reçut la Médaille d'Honneur des mains du président Truman.


Autre critique, autre point de vue: Hacksaw Ridge vu par le Professeur Grant

« Basé sur une histoire vraie ». Pour le coup, la mention est indispensable. On ne nous l’aurait pas annoncé qu’on n’aurait pas cru une seule scène de « Hacksaw Ridge », le nouveau long-métrage piloté par Mel Gibson. Dix ans après « Apocalypto », plongée terrifiante dans la civilisation Maya, l’Américain reprend la caméra pour conter l’incroyable destin de Desmond Doss (Andrew « Spider-Man » Garfield), premier objecteur de conscience à recevoir la prestigieuse Medal of Honor.


Cet infirmier a d’abord fait ses armes au service militaire… sans en porter. Le jeune homme s’est juré de ne jamais toucher un fusil de sa vie, en raison de ses convictions religieuses. Ensuite, il a participé à la prise de la crête d’Hacksaw en 1945 avec pour seule munition sa trousse d’infirmerie. Mais son véritable « fait d’arme » est le sauvetage seul et dans des conditions d’une extrême dangerosité d’une septantaine de soldats blessés depuis l’imprenable falaise de Maeda.
Avec « Tu ne tueras point », Mad Mel trouve non seulement un terrain fertile pour ses thèmes de prédilection (la foi, le courage, la violence, le sacrifice, le pacifisme…) mais aussi un projet à la mesure de son talent de cinéaste. Lui qui a déjà pu goûter au film de guerre en tant qu’acteur avec « We Were Soldiers », renoue avec ce genre mais en passant cette fois-ci derrière la caméra. A nouveau, sa mise en scène est sans concession, brutale et terrassante.
Le réalisateur plonge le spectateur en plein cœur de l’enfer d’Okinawa, théâtre d’une sauvagerie d’une intensité inouïe. Une expérience cinématographique qui n’est pas sans rappeler l’extraordinaire séquence du débarquement de Normandie dans « Saving Private Ryan », devenue une référence en termes de réalisme. Gibson orchestre avec brio les affrontements ; sa caméra saisit la fureur des échanges avec une puissance visuelle traumatisante.
Le film prend aux tripes. D’ailleurs, âmes sensibles s’abstenir. Si on retrouve les qualités du sexagénaire, le métrage ne fait pas l’impasse sur ses défauts. Le principal : ses bondieuseries. Autant on n’a rien contre les paraboles religieuses, autant notre Braveheart n’a jamais réussi à la jouer finaude. C’est qu’il a la main lourde le bonhomme. Ce recours incessant à une imagerie évangélique dérange comme lors de ce plan final habillé d’un halo céleste esquintant les efforts d’Andrew Garfield - impeccable au demeurant - à être crédible.
Pour le reste, on notera encore quelques maladresses comme l’emploi systématique de ralentis emphatiques ou encore une musique pompière surlignant ad nauseam l’héroïsme mais surtout le patriotisme de ces jeunes soldats. Plus démonstratif et ampoulé, tu meurs ! Cela émis, l’ensemble n’en demeure pas moins impressionnant. In fine, « Hacksaw Ridge » ajoute modestement sa pierre à l’édifice du travail de mémoire, à l’heure où les derniers témoins de ces atrocités rejoignent leurs camarades tombés au combat.
Note:
Critique: Professeur Grant

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