I Origins
★★★★★
"LA
SCIENCE m'a toujours fasciné. Lorsque j'étais enfant, au Tibet,
j'étais mu par une grande curiosité quant au fonctionnement des
choses. Quand j'avais un jouet, je commençais par jouer un peu avec,
puis je le démontais afin de voir comment il était construit. (...)
"Si la science vient à prouver qu'une croyance bouddhiste est
erronée, alors le bouddhisme devra changer. A mon sens, science et
bouddhisme ont en commun une quête de la vérité et un désir
d'appréhender la réalité". Tenzin Gyatso, quatorzième dalaï
lama.
Découvert
à Deauville en 2014, cette petite pépite cinématographique n'est,
hélas, pas sortie dans nos salles. Toutefois, ce film
scénaristiquement ambitieux mérite qu'on le recherche afin de nous
enrichir. Attention: film choc!
Afin
de vous laisser la surprise, je ne dévoile qu'une infime partie de
l'histoire. L'essentiel, à mes yeux, étant de vous parler ici de
mon ressenti et de la portée de ce film intelligent.
Ian
Gray (Michael Pitt, totalement investi) - docteur en biologie
moléculaire - mène des recherches sur l’œil humain. L'objectif
étant pour lui de recréer les stades d'évolution de l’œil depuis
sa forme la plus primitive (et même son absence) jusqu'au stade le
plus évolué, à savoir celui de l'Homme. Et ainsi mettre fin à
toute implication d'un "dessein de Dieu" et de tuer une
fois pour toute le débat religieux. Très vite, le héros tombera
amoureux de Sofi (hypnotisante Astrid Berges-Frisbey découverte dans
"La Fille du puisatier" et "Pirate des Caraïbes:
la Fontaine de Jouvence"). De leur rencontre naîtra la
passion mais aussi la confrontation de deux univers que tout oppose:
la science pour lui, et une vision enchantée de la vie faite de
Karma, de cycle des renaissances et du destin pour elle.
Au
vu du pitch, vous aurez compris que la portée de cette perle dépasse
de loin le cadre de la romance. A travers ce film, le réalisateur
Mike Cahill (Another Earth) aborde très adroitement la dualité
science et foi pour la mettre en tension jusqu'à un final
renversant! C'est bien simple, il ira même jusqu'à prendre
différentes orientations pour servir son film sans laisser le
spectateur sur la route. Nous sommes littéralement happés par tant
de maestria. (Surtout restez après le générique pour la
surprise du chef). Le réalisateur a pris ce projet à bras le
corps pour nous faire voyager en nous...sans nous faire quitter notre
siège. Concernant ses motivations, celui-ci dira avec beaucoup de
justesse: "Les scientifiques sont des personnages
passionnants qui m’inspirent. Ils passent leur vie à se poser des
questions essentielles. Pourquoi existons-nous ? De quoi
sommes-nous faits ? Ils explorent chaque aspect de ce qui fait
notre vie en espérant y trouver les réponses. J’aurais beaucoup
aimé être un scientifique, mais je suis réalisateur, alors je fais
des films à leur sujet", Mike Cahill - réalisateur.
Le
réalisateur connaît son sujet, c'est indéniable. Son film renvoie
à ses interrogations, sa fascination pour la thématique et nous
livre une véritable réflexion sur la condition de l'Homme. Peut-on
réellement opposer science et foi? Cette vision dualiste a-t-elle
encore un sens aujourd'hui? Ou n'est-elle que le vestige du XVIIe
siècle? Quelle est la place de Dieu et de l'Homme dans nos sociétés
actuelles? Mike Cahill traite un vaste sujet en donnant au spectateur
des clés de réponse. Et au final, quelle est la vérité? Y-a-t-il
seulement UNE vérité? Est-ce celle dont on se dote avec sa raison
et ses croyances; avec sa foi? Le débat est ouvert...
Je
préfère laisser ici quelqu'un de plus sage que votre serviteur
s'exprimer sur le sujet: "Voyez-vous, beaucoup de gens
considèrent encore que la science et la religion sont en opposition.
Si je suis d'accord pour dire que certains concepts religieux sont en
conflit avec les faits et les principes scientifiques, je pense aussi
que des individus de ces deux univers peuvent avoir un dialogue
intelligent, un dialogue qui aurait en fin de compte le pouvoir de
créer une compréhension plus approfondie des défis auxquels nous
sommes confrontés ensemble dans notre univers d'interdépendance"
(Tenzin Gyatso).
Quant
à la réalisation, celle-ci est sans faille et pleinement au service
de l'histoire. Les acteurs sont parfaits de justesse et évoluent
avec beaucoup d'aisance dans les méandres de ce film métaphysique,
qui jamais, ne laissera le spectateur sur le bas côté. Les
personnages principaux sont investis dans leurs rôles avec force et
conviction. Nous sommes conquis!
A
ce propos, Astrid Bergès-Frisbey possède une particularité
génétique rare qui sert justement le film: l’hétérochromie.
Cela lui confère des iris de plusieurs couleurs. "Ses yeux dans
le film n’ont subi aucun trucage d’aucune sorte. Ils associent
naturellement des teintes de gris et de bleu tirant sur le vert. C’est très beau et spectaculaire et cela apporte encore plus au
personnage." expliquera Mike Cahill.
L'histoire,
basée sur l'éternelle dualité science et foi; le jeu puissant des
comédiens et la réalisation sans faille nous emmèneront dans un
voyage spirituel où le doute est permis. Et avec lui, l'ouverture
des possibles!
C'est
dans un état second que nous ressortons de la salle encore fébriles
et songeurs. Bluffés par cette expérience cinématographique sur
fond de métaphysique. Après avoir repris notre souffle, des pensées
nous viennent; puis des interrogations. Beaucoup d'interrogations.
Très vite, nous nous rappelons que le 7e art est un formidable canal
qui permet de "sortir de nous-même", de prendre un peu de
hauteur pour réfléchir sur nous, sur les autres et sur les
relations qui nous unissent à eux dans la vie.
Stanley
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